Critiquer la religion

J'ai l'immense chance de vivre dans un pays laïc où je peux, librement et publiquement, critiquer la religion et blasphémer autant de fois que je veux avant le petit-déjeuner (mais en 140 caractères seulement sur Twitter). La France a beau être en tête du tableau des pays où l'athéisme gagne, il reste toujours des croyants pour réagir de manière pavlovienne à la moindre critique systémique de la religion. Critiquez le système, l'église et sa hiérarchie, son dogme, ses prises de position publiques (et forcément politiques) et ils le prendront automatiquement pour une critique de leur foi personnelle. C'est même une telle constante sur les réseaux sociaux qu'elle me pousse à sortir de ma retraite pour coucher ces réflexions sur ce blog. Histoire de pouvoir faire du page-slapping comme certains manipulent le goupillon.

D'abord, quelques éléments personnels pour me situer sur le sujet. Je suis athée. Je ne l'ai pas toujours été. J'ai été croyant. J'ai reçu une éducation catholique en bonne et due forme. Embrigadé dès ma naissance par mes parents, comme l'immense majorité des croyants, j'ai eu droit à un parcours extensif à faire pâlir d'envie un club Mickey : baptème, catéchisme, confirmation, pèlerinages et retraites (la communauté de Taizé c'est quand même vâââchement plus sympa que Chartres). J'ai joué de la pompe à cantiques tous les dimanches matin pendant un nombre incalculable d'offices et même été enfant de cœur jusqu'à 21 ans. C'est vous dire que j'ai eu la foi et que je sais ce que c'est que de croire. S'il existait un Club Med Catho, j'aurais été G.O. dans un 5✝. La seule chose que j'ai apparemment raté dans cette belle éducation catholique, c'est que je n'ai jamais eu la moindre expérience sexuelle avec un prêtre. Enfin, pour être honnête c'est faux, mais ce que monsieur le curé et moi faisons avec nos culs entre adultes consentants ne regarde que nous (l'idée d'un Club Med Catho interdit aux enfants est à creuser).

Le dernier exemple en date qui m'a poussé à écrire ceci, commence avec mon retweet de ceci :

Ce qui me vaut cette citation, à laquelle je tente d'expliquer qu'il y a une différence entre critiquer l'église et être « anti-catholique primaire » :

Sans succès. Un vieux souvenir de charité chrétienne m'empêche de décortiquer l'ensemble au fer rouge façon inquisition, mais le raisonnement circulaire (l'aspect « céleste » de la sainteté), les incohérences (on n'aurait pas le droit de critiquer « culturellement » une chose qui n'est rien d'autre que de la culture, voire du folklore), la très rigolote invocation de misogynie qu'on croirait copiée/collée du manuel du militant Ségoléniste et, sujet de ce billet, l'incapacité de comprendre une critique du système (la canonisation expresse et en dehors des règles même du système d'un personnage contestable et contesté) autrement que par un « anti-catholicisme primaire » montrent qu'il est tout à fait possible d'être aveugle tout en étant illuminé. Ce qui, et LMPT ne lâche rien pour nous le prouver tous les jours, est le mystère le plus trivial de la foi.

Nous sommes passés de la religion en tant qu'appréhension de la foi et du mystique, choses éminemment humaines et personnelles, à une injonction de croire. Tu ne crois pas, ou tu n'as pas la même interprétation que moi ? Je te somme de croire, ou alors va au diable ! Il est difficile de débattre avec ce genre de croyant (même ceux qui se prétendent "laïque") :

Je voudrais donc dire ceci à tous les croyants qui se sentent attaqués dès qu'on ose émettre une critique sur leur clergé : si vous vous sentez offensés quand on critique ce dernier, c'est que votre foi a le panache et la solidité d'un flamby devant une petite cuillère. J'en veux pour preuve tous mes amis croyants qui sont suffisamment à l'aise avec leur foi (et moi avec la leur) pour être capables, eux-mêmes, de critiquer leur clergé quand celui-ci déconne.

Apprenez qu'on peut être à la fois anti-clérical — ce qui ne veut pas dire anti-catholique — et respecter l'idée de la foi chez les autres. Et ce n'est pas le moindre des mystères de la laïcité. Ou de l'athéisme.

P.S. et je remarque, avec amusement, que je n'ai jamais jamais reçu la moindre injonction de croire de la part d'un musulman. Uniquement de catholiques. Je vous recommande vivement la lecture de cet article et vous laisse comme exercice de voir à quel point ces réflexions s'appliquent tout aussi bien à certains catholiques.