Appel au Conseil constitutionnel pour suspendre l’utilisation de certaines machines Nedap pour le second tour de la présidentielle

Le Conseil constitutionnel a été roulé dans la farine par le Ministère de l'intérieur sur l'agrément d'un modèle d'ordinateur de vote de marque Nedap. Le lièvre a été levé par l'initiative ordinateurs de vote grâce à une action en justice menée par Géraldine Carayol, une électrice de Vaucresson, qui a permis d'obtenir des extraits du dossier d'agrément des machines à voter NEDAP. Décryptage d'une affaire sordide qui en dit long sur les méthodes des technocrates du ministère, leur respect des lois de la République et la valeur, somme toute nulle désormais, de leurs arguments d'autorité concernant le vote électronique.

Si vous suivez le sujet du vote électronique, vous savez que la communication officielle se résume à : 1) les machines sont autorisées par loi depuis 1969, 2) le Ministère de l'intérieur a produit un règlement technique comportant 114 exigences auxquelles les machines doivent se soumettre pour être agréées, 3) la conformité des machines à ce règlement est vérifiée par un organisme de contrôle indépendant, 4) le Ministère de l'intérieur donne l'agrément à un modèle de machine au vu du rapport de conformité, 5) les agréments sont publiés au J.O.

Des machines non agréées ne peuvent être utilisées pour un scrutin. André Santini, député-maire d'Issy-les-Moulineaux et tenant du progrès à marche forcée l'a appris à ses dépends. Alors qu'il avait équipé sa ville en toute connaissance de cause avec un modèle d'ordinateur de vote non agréé et fait former tout le monde dessus, il a été forcé de faire remplacer en catastrophe une soixantaine de machines par un modèle ancien mais agréé. Si des isséens vigilants n'avaient pas porté l'affaire devant les tribunaux, les électeurs d'Issy-les-Moulineaux auraient voté sur un modèle de facto non conforme, au mépris du code électoral.

Devant le succès médiatique grandissant de l'initiative ordinateurs de vote, en particulier sous les feux de l'actualité électorale actuelle, et dont le meilleur baromètre est sans doute le nombre de signatures recueillies sur la pétition pour le maintien du vote papier, les tenants et organisateurs du vote électronique ont commencé à se faire du soucis. C'est que l'argument d'autorité du ministère de l'intérieur, basé sur la communication officielle décrite précédemment souffre d'un problème gênant : il est impossible d'obtenir communication des rapports de vérification de conformité des machines produits par les organismes d'agrément, l'administration et la C.A.D.A. le refusent au prétexte de protéger le secret industriel des fabricants. Nous avons donc des machines doublement opaques : il est impossible au citoyen de vérifier tant leur fonctionnement que leur conformité !

Il devenait donc urgent pour le ministère d'asseoir son autorité, ce qu'il a fait en passant la patate chaude au Conseil constitutionnel, lequel s'est curieusement fendu d'un communiqué de presse laconique et sans aucune valeur juridique, mais semblant donner un blanc seing au vote électronique, sujet sur lequel il n'a jamais été saisi directement ! On passera sur le fait que les sages se soient fait abuser par le langage spécieux des tenants du vote électronique qui cachent soigneusement le fait qu'entre 1969 et nos jours, on n'utilise plus de machines à voter mécaniques, mais des ordinateurs. Le plus grave n'est hélas pas là, les sages se sont fait rouler dans la farine et se sont prononcés sans avoir vu les fameux rapports de conformité, lesquels réservent une surprise de taille pour la machine Nedap ESF1 : des points de non-conformité par rapport au règlement technique !

La suite est rocambolesque et montre à quel point il faut se méfier de l'opacité de l'administration, et parfois se battre contre elle pour l'obliger à respecter la loi.

Par un travail de fourmi, deux électeurs de Vaucresson, Géraldine Carayol et Pierre Bordes, avec le soutien de l'initiative ordinateurs de vote, vont finir par découvrir qu'au moins quatre des 114 exigences du règlement technique ne sont pas remplies par les ordinateurs de vote Nedap choisis par leur municipalité. Ils vont porter l'affaire devant le juge des référés, forçant ainsi le ministère de l'intérieur à produire quelques pages du rapport de Véritas jusqu'ici tenu secret. Pages que Le Monde publie aussitôt. Et c'est là qu'on découvre que le technicien du bureau Veritas a pris des libertés avec le règlement technique sur au moins six points, comme par exemple l'impossibilité de mettre à l'heure l'horloge interne de la machine alors que cette exigence est dans le règlement technique, ou encore l'impossibilité pour la machine d'imprimer la date et l'heure de début de fin du scrutin, qui doivent être portés à la main sur le ticket d'impression alors que le règlement exige que la machine les imprime elle-même.

En résumé, nous avons un bureau de vérification censé vérifier la conformité par rapport à un règlement qui lui-même dérive de la loi (le code électoral). La conformité par rapport à la loi est quelque chose de binaire : c'est conforme, ou ce n'est pas conforme. Or, ici, nous avons des extraits d'un rapport qui comportent, à au moins six reprises, le schéma suivant :
- Règlement technique : la machine doit faire ceci
- Vérification du contrôleur : elle ne le fait pas
- Conformité à l'exigence : oui

En conclusion, Veritas a pris la liberté de déclarer conforme une machine qui ne respecte pas parfaitement le règlement technique. Le ministère de l'intérieur a donné son agrément sur la base de ce rapport. Et le Conseil constitutionnel s'est prononcé en utilisant la formule de « procédure rigoureuse de contrôle » et en stipulant que « Les machines doivent être conformes en tout point aux 114 exigences contenues dans le règlement technique du 17 novembre 2003... » !

A la suite de cette enquête, Pierre Muller, président de l'inititative ordinateurs de vote, et Géraldine Carayol ont fait appel aujourd'hui 3 mai au Président du Conseil constitutionnel pour qu'il recommande aux maires concernés la suspension immédiate de l'utilisation des machines Nedap. Pour mémoire, le Conseil constitutionnel avait de lui-même préconisé de renoncer provisoirement à l'utilisation de machines à voter pour mettre le scrutin à l'abri de toute contestation. J'espère qu'au vu de ces nouveaux éléments, M. Jean-Louis Debré sera plus explicite.

Voir :
- le communiqué de presse du 3 mai 2007 d'ordinateurs de vote
- la lettre au Président du Conseil constitutionnel (PDF)
- les extraits du rapport Veritas concernant la Nedap ESF1 (PDF)

Quand j'ai utilisé l'expression de scandale du vote électronique il y a trois ans, c'était par rapport au fait que la simple observation des problèmes rencontrés dans les autres pays aurait dû nous éviter de plonger tête baissée dans le leurre du vote électronique opaque et invérifiable. Il existe un proverbe qui dit qu'il ne faut pas attribuer à la malice ce qui s'explique plus simplement par la stupidité. Je ne pensais pas, jusqu'à aujourd'hui, qu'il y avait malice de la part du Ministère de l'intérieur. Je me suis hélas trompé sur ce point, et le scandale du vote électronique en France est en train de prendre un nouveau visage.

Diffusez cette information le plus largement possible autour de vous, mettez-la sous le nez de votre maire s'il vous impose des machines à voter, demandez-lui s'il a vu les rapports de conformité, et signez la pétition pour le maintien du vote papier si vous ne l'avez déjà fait. Il faut stopper ce bazar de toute urgence.

Pétition pour le maintien du vote papier
Actuellement signatures !