Ma question sur le programme TIC des candidats

Grâce à Netpolitique, que je remercie de cet insigne honneur, j'ai pu poser une question aux deux candidats sur leur programme TIC. Je publierai ma réaction dans un second billet à suivre.

Ma question : « L'élaboration des lois LCEN et DADVSI, les débats houleux qui les ont accompagnés, ainsi qu'un projet de décret d'application de la LCEN du 21 juin 2004 qui émeut vivement les éditeurs de sites en ligne et les hébergeurs, semblent tous montrer plusieurs tendances préoccupantes : un retard par rapport au droit européen, une tentation de contrôle total et permanent, un biais en faveur de grandes entreprises et d'acteurs historiques au détriment de nouveaux entrants, une méconnaissance d'internet et de la place toute relative de la France dans cet espace mondial. Or, internet est avant tout un formidable terreau de développement de jeunes pousses, qui sont les vrais acteurs de l'innovation, ainsi qu'un outil et un espace économique qui bénéficient en priorité aux PME. Alors qu'il est aujourd'hui facile, et souvent plus intéressant, d'aller démarrer ou déplacer son activité de service en ligne à l'étranger, que comptez-vous faire pour que la France soit parmi les pays les plus attractifs pour la création et le développement de l'économie numérique ? »

Leurs réponses ci-après...

Réponse de Maurice RONAI (pour Ségolène Royal)

La plupart des innovations technologiques de l’internet ont été créées par des petites et moyennes entreprises. Souvent, ce furent même de nouvelles structures, de « jeunes pousses » et des « start-ups », qui se sont développées rapidement. C’est donc en aidant les petites et moyennes entreprises que nous parviendrons à développer ce secteur des services en Europe.

En raison de la prééminence du logiciel, l’innovation dans l’économie numérique est le fait d’inventeurs et de petites équipes. Elle s’appuie sur les utilisateurs qui co-inventent les nouveaux usages comme testeurs, pourvoyeurs de contenus, tagueurs, annotateurs : c’est à dire co-producteurs.

La droite exalte les PME, les entrepreneurs, les « jeunes pousses ». Mais elle continue de financer, sans contrepartie, la R&D des grands groupes. Le projet Quaero dispose ainsi d'un budget de 250 millions d'euros sur cinq ans.

Nicolas Sarkozy exalte l’innovation mais il relaie les exigences des grands acteurs installés. Ainsi, lors de l’examen de la DADVSI, Nicolas Sarkozy a soutenu les dispositions visant à poursuivre les auteurs de logiciels d’échanges. Le renforcement de l’arsenal legislatif anti-P2P n’a aucun effet sur les pratiques d’échanges. Il aurait, en revanche, pour effet, de dissuader les ingénieurs et les développeurs d’explorer certaines pistes de recherche en matiére de logiciels d’échanges. L’inventeur français du DivX comme celui d’Azureus ont préféré s’expatrier en Californie pour y développer leurs idées.

Le projet de decret sur la conservation des données de connexion, concocté par les services du Ministére de l’Intérieur, est inquiétant pour les libertés publiques. On sait, depuis le Tribune publiée par le Groupement des éditeurs de sites en ligne (Geste) dans le Monde (21 avril 2007) que ce décret est également dangereux pour l’économie numérique. “Ce qui pourrait n'être qu'un décret illisible de plus est aujourd'hui une menace de mort pour le développement du numérique en France et pour tous les acteurs concernés de près ou de loin par celui-ci, de la presse aux blogueurs, en passant par la grande distribution, les opérateurs de téléphonie, les fournisseurs de logiciels, les fabricants d'ordinateurs, etc. Sous prétexte de lutter contre la menace réelle du terrorisme, l'Etat français prend - comme aucun autre - le risque de tuer une part non négligeable de l'avenir du pays”.

Ségolène Royal, pour sa part, accorde une place centrale à l’innovation et aux PME comme acteurs majeurs de l’innovation.

Le Pacte Présidentiel prévoit de

  • Soutenir les PME avec la création de fonds publics régionaux de participation et en leur réservant une part dans les marchés publics.
  • Donner la priorité à l’investissement des entreprises avec un taux d’impôt sur les sociétés plus bas si le bénéfice est réinvesti et plus haut s’il est distribué aux actionnaires.
  • Sécuriser le parcours des jeunes créateurs en soutenant la création d'entreprises.
Le rapport République 2.0 préparé par Michel Rocard prend en compte les les spécificités de l’innovation dans le secteur des technologies numériques et des services de l’internet.
Il énonce les recommandations suivantes :

  • Adapter le dispositif de type Small Business Act prévu dans le Pacte Présidentiel aux spécificités des entreprises numériques
  • Encourager les logiques de type « business angels ».
  • Inciter les entreprises à développer des structures d’essaimage ad hoc. Éviter notamment qu’elles préfèrent licencier une équipe lors d’un recentrage stratégique et garder les brevets en tant qu’actifs.
  • Mettre en place les chaînons manquants pour transformer les idées en entreprises. Nous avons d’un côté des chercheurs qui disposent de « pépites » (mais qui n’ont qu’une vague idée de leur exploitation commerciale). Et de l’autre, des cadres “sur le carreau” capables de reprendre à leur compte ces « pépites » et de les mettre sur le marché.
  • Créer des organes de financement analogues aux « Small business investment companies ».
  • Simplifier l’environnement administratif des pôles. Unifier les nombreux dispositifs de financement public (parfois plus de 20 interlocuteurs) qui financent les projets des pôles. Mettre en place des procédures légères et rapides pour accompagner les PME.
  • Renforcer les filières informatiques dans les universités et tirer parti de la coexistence avec les filières art, cinéma et documentation.
  • Valoriser l’innovation et l’esprit d’initiative des étudiants (participation à des sites coopératifs ou au développement de logiciels libres, projets d’entrepreneurs juniors) ainsi que leur prise en compte dans l’obtention des diplômes ou par des crédits universitaires.
  • Inscrire le principe de neutralité de l’internet dans les cadres de régulation français et européens en matière de télécommunications
Michel Rocard: "République 2.0 : Vers une société de la connaissance ouverte"

Réponse de Eric WALTER (pour Nicolas Sarkozy)

Ce constat mérite d’être relativisé. En particulier, je ne le partage pas en ce qui concerne ce que vous appelez la « tentation de contrôle total et permanent », affirmation très éloignée des multiples réalités qui conduisent les uns et les autres à réfléchir à des dispositifs de protection dans l’univers numérique. Internet n’est pas (et ne doit pas devenir) un espace de « non-droit » et ce n’est pas faire œuvre utile que de vouloir le cantonner dans cette situation.

La position de Nicolas Sarkozy s’appuie précisément sur le constat selon lequel Internet est multiple, foisonnant et décentralisé par nature. Nous devons nous engager sur un projet dont l’objectif principal sera de libérer les énergies, et non de les brider en leur imposant de nombreuses contraintes préalables.

Le projet numérique de Nicolas Sarkozy contient 51 propositions qui sont autant d’engagements qu’il tiendra s’il est élu Président de la république.

20 propositions sont consacrées à cet objectif. Elles s’organisent autour de la réhabilitation du travail, de la relance de l’économie et de la libération de l’investissement, d’une politique volontariste de recherche et d’innovation.

11 de ces 20 propositions relèvent du projet général de Nicolas Sarkozy pour l’économie. Elle agissent sur deux blocages très forts souvent relevés par les entreprises, et en particulier celles de l’industrie logicielle et du jeu vidéo : les rigidités du travail et les freins à l’investissement.

Il s’agit du contrat de travail unique qui sera créé, plus souple pour les entreprises et plus sécurisant pour les salariés car à durée indéterminée et de l’exonération des heures supplémentaires de charges sociales et fiscales. Deux mesures qui permettront aux créateurs d’entreprise de recourir plus facilement au travail et lèveront, par ailleurs, les réserves de nombreux investisseurs étrangers envers notre pays.

En matière d’investissement, le bouclier fiscal tout comme la possibilité de déduire de l’ISF jusqu’à 50.000 euros investis dans une PME permettront de voir apparaître ces fameux « business angels » dont tout le monde s’accorde à dire qu’ils manquent cruellement aujourd’hui. Les universités pourrront créer des incubateurs d’entreprise et devenir, de ce fait, des zones franches fiscales.

Il faut également agir sur l’environnement économique des PME. Leur accès la commande publique sera facilité, sur le modèle de ce qu’on appelle le « small business act » aux Etats-Unis, une partie des crédits de recherche leur sera spécifiquement réservée, et Nicolas Sarkozy a proposé de réformer le crédit impôt recherche, en ayant une conception moins stricte de l’innovation et en augmentant les moyens publics qui lui sont consacrés ainsi que de ratifier au plus tôt le protocole de Londres pour lever les obstacles des coûts de dépôt des brevets protégeant leurs innovations.

Enfin, Nicolas Sarkozy s’est engagé à rapprocher la la fiscalité des entreprises de la moyenne européenne tant il est évident que personne ne viendra créer en France si sa fiscalité continue à être la plus dissuasive d’Europe.

Dans le domaine plus particulier du numérique et de l’internet, Nicolas Sarkozy souhaite faire l’industrie logicielle, quel que soit son modèle : libre ou propriétaire, et l’industrie du jeu vidéo des priorités de sa politique. En particulier, la réforme des nomenclatures des formations et métiers de l’internet et du numérique devra permettre de mieux adapter le marché du travail à la réalité des métiers de ces entreprises.

Mais, sur internet, il y a une économie avant l’entreprise. En quelques clics, aujourd’hui, on peut gagner plusieurs centaines d’euros par mois. Les initiatives n’attendent pas, l’exemple de ces deux lycéens qui ont récemment ouvert leur agence de publicité dans « Second Life » est particulièrement frappant tant il rapproche ces jeunes entrepreneurs de ceux qui ont été hier les inventeurs de Google comme de Napster.

Pour Nicolas Sarkozy, la France doit permettre, demain, à tous ses jeunes, sans distinction de sexe ou de classe, d’être un jour de ces inventeurs. Elle doit permettre, demain, à tous de gagner en se lançant sur internet.

C’est tout le sens de la proposition d’exonération de charges fiscales et sociales, dans une limite à définir, des revenus tirés d’une activité numérique personnelle. Concrètement, chacun pourra se lancer dans une activité internet sans aucune contrainte. C’est un formidable appel d’air pour la création et le pouvoir d’achat.

Cf. Programmes TIC : Question de François NONNENMACHER (développement de l'économie numérique) sur le blog de Netpolitique.
Voir les autres questions posées aux représentants TIC des candidats