Le mal-journalisme n'est finalement peut-être pas qu'un problème de saison où les tôliers laissent les clés à n'importe qui pendant les vacances. Le Point nous offre un brillant exemple en déformant complètement les propos de Pierre Le Coz, vice-président du Comité national d'éthique, pour lui prêter une thèse politique qui sert la ligne du journal mais est aux antipodes de la position de l'interviewé.
Le schmilblick en ligne :
- L'article du Point (impossible de l'afficher au moment où j'écris ces lignes)
- La réaction d'Olivier Bonnet, qui publiera ensuite un droit de réponse de Pierre Le Coz
- Le billet de Narvic qui m'a alerté sur le sujet
Mes premières expériences avec la presse datent de 1989 (à l'exception d'un bref passage à la télé en 1986 pour un événement sportif). Je travaillais dans un domaine de haute technologie, la stéréolithographie (prototypage rapide par impression en trois dimensions), et j'étais absolument effaré de voir comment les journalistes déformaient mes propos, qui n'étaient que des chiffres scientifiques qui ne se prêtent pas aux jeux de saupoudrages aléatoires et de réécriture à base de synonymes qu'ils affectionnent tant. Plus tard j'ai expérimenté la même chose dans les domaines de la politique ou du business, toujours avec une grande méfiance de ce qui allait en sortir.
Comme tous les métiers, le journalisme a ses bons et ses mauvais éléments. Comme tous les métiers peu valorisés et mal payés, il a une proportion significative de gens qui le pratiquent sans passion, pour une raison purement alimentaire. Il faut le savoir, et toujours partir du principe qu'un journaliste fera n'importe quoi avec vos propos. Et dès lors, sans être paranoïaque, rester vigilant sur ses intentions et celles de son journal.
Une règle que j'ai imposée au fil du temps, est de systématiquement demander la relecture des propos qui me sont attribués. On me l'a rarement refusé ces dernières années (sauf ceux qui ont l'habitude de bâcler un papier la veille pour le lendemain). Ça me semble être le minimum acceptable, entre une exigence de relecture complète de l'article qui serait une atteinte à la liberté de la presse, et l'abandon total de sa propre parole dont on sait qu'elle peut-être dévoyée par des brebis galeuses du journalisme. Certains journalistes se plaignent qu'il devient de plus en plus difficile de recueillir des témoignages. Ils n'ont pas à chercher bien loin pour savoir pourquoi, et ce qu'ils doivent faire pour regagner une confiance qui se perd de plus en plus et qu'ils détruisent par eux-mêmes.
J'ai eu très peu d'expérience et d'une portée qui n'a rien à voir (et je ne m'en plains pas). Par contre si effectivement on a toujours accepté quand j'ai demandé la relecture avant publication, en réalité ça a presque toujours été publié sans qu'on me propose le texte final. Bref, on dit oui mais derrière c'est publié quand même sans cette fameuse relecture.
Le problème c'est qu'on n'a aucune prise et aucun pouvoir de pression ... sauf à ne jamais parler ou répondre à la presse (et encore, ça ne l'empêchera pas de trouver des explications fantasques à se refus ou d'inventer les pensées de chacun).
Eric, c'est vrai, ça dépend en fait de la façon de demander les choses au journaliste. Je sonde d'abord pour savoir où je mets les pieds, les délais d'écriture et de bouclage (urgence = article bâclé et journal pas sérieux dans presque tous les cas) et quand j'ai le sentiment que le/la journaliste en face est de bonne foi et qu'il/elle a un peu potassé son sujet, alors je ne suis pas avare de mon temps. La confiance est la question clé, c'est souvent une question d'intuition et elle ne se présume jamais avec un journaliste inconnu.
Voici ma conclusion :
nous ne remettons pas un instant en question la sincérité d’un homme qui nous écrit, dans le courrier électronique qu’il ne nous en voudra pas de citer : "Cette trahison m’a blessé et en même temps elle a fait naître en moi un fond de révolte". La manipulation opérée par Le Point est particulièrement perverse : en prenant en otage la parole du vice-président du CCNE - emblématique par l’objet même de ce Comité -, l’organe de la droite décomplexée justifie ses positions idéologiques en les affublant d’une mensongère inéluctabilité. Non, Messieurs du Point, la sécurité sociale n’est pas condamnée à abandonner son système solidaire ! Oui, il est évidemment possible de la financer, pour peu qu’existe une volonté politique dans ce sens. Et non, Pierre Le Coz n’entend pas servir d’alibi à vos glaçantes divagations ultralibérales, lui qui cite un passage du célèbre et magnifique poème de Rudyard Kipling, Tu seras un homme, mon fils :
"Si tu peux supporter d’entendre tes paroles
Travesties par des gueux pour exciter des sots,
Et d’entendre mentir sur toi leurs bouches folles,
Sans mentir toi-même d’un mot"
La conclusion est parfaite.
Alors moi je sais de source sûre qu'un évènementiel very people est prévu pour le 6, je ne te dévoile pas mes sources (éthique toussa), je t'autorise à en faire état, mais pas à dire ce que c'est ni qui te l'a dit. Wouala. En tout cas ça m'a mis en joie ! Et je souhaitais vraiment le faire partager au monde entier ! ;-) chouette !
Mais euh, c'est sous embargo ça, Margouillette :-).