On vous prend pour des cons
A propos du fameux « traité simplifié » qui a demandé une énième modification constitutionnelle pour permettre une ratification rapide du traité de Lisbonne par voie parlementaire, la Commission Européenne a écrit ceci (PDF) :
La suppression de quelques éléments, dont certains revêtaient un caractère symbolique, ainsi que de changements qui ont réduit la lisibilité du texte du traité constituaient les éléments nécessaires à un accord global susceptible d'être adopté par la totalité des Etats membres.
Surréaliste. Je traduis en français : « il aura fallu dépareiller et obscurcir le traité avant de pouvoir le faire avaler en bloc aux Etats membres ».
Ou, en plus court : « on vous prend pour des cons ». Nos amis anglosaxons ont une expression imagée pour ce genre de stratagème : smoke and mirrors.
Ayant voté oui au référendum de mai 2005, je rejoins Emmanuel sur le crime du 4 février et le risque que fait courir cette manœuvre brutale sur la durabilité de la construction européenne :
Mais, précisement parce que je suis viscéralement attaché à cet acquis communautaire, je crois que l'intégration européenne ne peut pas se faire contre, ou sans les peuples. Que l'époque où l'on pouvait défendre une forme de despotisme éclairé pour poser les fondations d'une paix durable en Europe est depuis longtemps révolue. Et que refuser au peuple français l'occasion de se prononcer sur le traité modificatif est plus qu'un crime de lèse-souveraineté : c'est une faute politique, qui aggravera la crise européenne au lieu de la résorber.
Il eût été plus noble, mais certes plus difficile et, je le pense hélas, hors de portée de notre personnel politique actuel, de tirer la construction européenne vers le haut, à savoir améliorer le texte sur le fond au lieu de le diminuer sur la forme, et surtout de l'expliquer, l'expliquer, l'expliquer encore aux citoyens.
Mais parfois, dans un moment d'égarement cynique et sur le bon principe qui veut que tout peuple a le gouvernement qu'il mérite, je me dis que nous sommes, effectivement, des cons. Gouvernés par le président des cons que nous méritons.