Changement de braquet

Vendredi dernier j'ai quitté le Groupe Capgemini, après huit ans et cinq mois de bons et loyaux services au poste de "corporate webmaster". C'est à ce jour ma plus longue aventure professionnelle.

J'ai rejoint le groupe en juin 1998 pour une mission baptisée "Stopper le chaos" — ils avaient à l'époque 25 sites internet, chacun avec son propre design (et autant de descriptions et de logos différents), et le Directoire avait commencé à mettre la pression pour aligner tout le monde sur la même charte. Ce que je ne savais pas en les rejoignant, c'est que deux personnes avaient essayé de faire ça avant, sans succès. Comme personne ne m'avait dit que c'était impossible, je l'ai fait ;-).

De 1998 à 2005, j'ai orchestré cinq redesigns des sites internet du groupe. Certains ont été mineurs (comme changer le nom et le logo en avril 2004, quoique le dernier changement de marque fut assez sportif), la plupart ont été conséquents (parfois plus difficiles en termes de politique que de design web, en particulier dans les périodes de fusions-acquisitions), et le dernier d'entre eux reste le plus gros et le plus difficile projet que j'ai réalisé jusqu'ici. J'ai eu le plaisir d'en parler à Paris Web 2006. Les résultats (capgemini.com a été deux fois premier du CAC40 : dans le classement Labellium et comme seul site passant la validation du W3C en mai 2005) et le plaisir que j'ai eu à travailler avec des pointures du web (sans oublier les collègues) ont largement contrebalancé le stress, les écueils et les coups de poignard dans le dos que j'ai enduré (et qui resteront comme de bonnes leçons, j'ai le cuir un peu plus épais aujourd'hui).

On m'a souvent demandé comment j'avais réussi à aligner tous les pays de ce groupe international sur une seule charte web, surtout les gens qui connaissent le fonctionnement de Capgemini et son organisation en villages gaulois (les anglosaxons ont cette expression : "herding cats", rassembler les chats en troupeau). La grande chance que j'ai eue a été de travailler à la direction de la communication avec une grande autonomie par rapport à la direction informatique. Ca m'a permis de construire toute une plateforme de services mutualisés (principalement hébergement, système de gestion de contenu et outils statistiques) avec laquelle je pouvais montrer le chemin par l'exemple et que j'ai offert à l'ensemble des filiales. L'astuce étant, en leur offrant le service et donc une baisse immédiate de leurs coûts de fonctionnement, de grandement diminuer la complexité de gestion de l'ensemble (30 sites internet) et à plus long terme ses coûts de fonctionnement et de futurs redesigns. J'ai calculé qu'après avoir réussi à rassembler tous les sites sur cette plateforme (hors amérique du nord), j'ai fait économiser au Groupe la coquette somme de 1M€ par an en frais de fonctionnement ! Un retour sur investissement assez honorable (dommage que je n'ai jamais eu aucun bonus là-dessus :-).

Plus récemment, après quelques années à bloguer ici, j'ai implanté les blogs sur l'intranet et lancé le premier blog public de Capgemini en convaincant les directeurs techniques d'entrer dans l'arène. Lancé sans plus de publicité que ça, il a été vite remarqué et salué pour sa qualité, mais ce qui me fait le plus plaisir est qu'il a permis de gagner une affaire après seulement quelques semaines, un retour sur investissement de plus de dix (voilà pour ceux qui se demandent à quoi un blog corporate peut bien servir). Je serais finalement parti avant d'avoir convaincu mon management d'offrir une ferme de blogs aux collaborateurs comme le font Sun et IBM, mais je pense que ça arrivera d'une façon ou d'une autre, ce n'est qu'une question de temps. Fin 2004, Eyrolles m'a proposé d'écrire le pendant professionnel à Blog Story, ce qui m'a pratiquement occupé tous les soirs et les week-ends de l'année 2005. Blogueur d'entreprise est sorti en janvier 2006 et a été bien reçu.

Je dois admettre que l'écriture de ce livre et le dernier redesign de capgemini.com ont eu un impact profond sur ma vie et mes perspectives professionnelles, s'ajoutant à un travail de fond. J'ai aujourd'hui l'opportunité de tourner la page dans de bonnes conditions, de changer de braquet et de me lancer.

Voilà l'objectif du François 4.1, web n+1 depuis 1993 ;-).