LEN et correspondance privée : mise au point de MM. Ollier et Dionis du Séjour

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Vu sur le site de l'AFA, cette mise au point des députés Ollier et Dionis du Séjour concernant la correspondance privée (l'URL de l'AFA me paraissant suspecte de volatilité, je recopie le texte) :

Bonjour,

Il y a manifestement un malentendu qui repose sur la confusion entre deux notions distinctes :

  • la correspondance privée, le cas échéant par voie électronique, et
  • le courrier électronique.

En droit français, les correspondances privées bénéficient d’une grande protection juridique [1] puisque l’atteinte au secret des correspondances est un délit passible d’un an de prison et de 75 000 euros d’amende.

Il est explicitement prévu que cette protection des correspondances privées s’appliquent aux correspondances émises par la voie des télécommunications et donc y compris, évidemment, aux e-mails. Le premier alinéa de l’article 1er de la loi n° 91-646 du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des télécommunications dispose en effet que « le secret des correspondances émises par la voie des télécommunications est garanti par la loi ».

Aucune de ces dispositions n’est modifiée.

Aucune modification n’est apportée par le projet de loi sur la confiance dans l’économie numérique à la protection apportée aux correspondances privées échangées par voie électronique.

Jusqu’à ce jour, il n’y avait pas en droit français, de définition du courrier électronique.

En première lecture, à l’Assemblée nationale, un amendement a inséré dans le projet une définition du courrier électronique comme « tout message sous forme de texte, de voix, de son ou d’image envoyé par un réseau ouvert au public qui peut être stocké dans le réseau ou dans l’équipement terminal du destinataire jusqu’à ce que ce dernier le récupère ».

Cette définition, qui est exactement au mot près celle de la directive du 12 juillet 2002, n’avait provoqué aucune émotion.

Il s’agit, on le voit bien, d’une définition qui couvre un champ bien plus large que celui des e-mails. Elle inclut, par exemple, des messages échangés par des réseaux de téléphonie mobile (MMS qui sont des messages sous forme de son ou d’image, messages vocaux par exemple).

C’est précisément à cette définition, au mot près, que nous sommes revenus en adoptant effectivement un amendement de correction de M. Patrick Ollier. Cet amendement ne change donc rien par rapport au droit existant.

La rédaction initiale, proposée par la Commission, était de définir le courrier électronique comme « tout message de correspondance privée, sous forme de texte, de voix, de son ou d'image, envoyé par un réseau public de communication, stocké sur un serveur du réseau ou dans l'équipement terminal du destinataire, jusqu'à ce que ce dernier le récupère. »

Comme on le voit, cette définition n’était plus celle de la directive.

Elle avait donc pour effet de restreindre la définition de ce qu’est un courrier électronique aux envois ayant effectivement le caractère de correspondances privées. Par voie de conséquence, elle aurait été annulée par le juge. Sur le fond, elle aurait, en outre, eu pour effet de restreindre la protection apportée aux internautes vis-à-vis du spam puisque les spammers auraient pu soutenir que leurs envois, par définition collectifs, n’étaient pas des correspondances privées et qu’ils ne constituaient donc pas des envois de courriers électroniques interdits sans le consentement préalable des destinataires.

Elle n’avait pas, en revanche, pour effet d’étendre la notion de correspondance privée. Nous n’avons jamais envisagé de le faire car cela n’a rien à voir avec l’objet du projet de loi.

Notre attachement à la protection de la vie privée et en particulier de la vie privée des internautes est complet. La modification qui suscite votre émoi n’a en rien la portée que vous lui prêtez. Il n’était simplement pas imaginable (et d’ailleurs, sur le fond, pas opportun pour les raisons précédemment liées à la protection contre le spam) que ce texte de loi qui se veut texte fondateur de l’internet s’appuie sur des définitions non conformes au droit européen.

Vos inquiétudes sur ce point ne sont donc pas fondées, et nous profitons de l’occasion de notre échange pour vous rappeler les sept avancées fondamentales que notre assemblée vient de décider :

  • autonomie juridique de l’internet par rapport à l’audiovisuel et à ses règles,
  • mise en place d’un régime équilibré de responsabilité pour les prestataires techniques (hébergeurs, FAI),
  • protection complète et sans précédent du consommateur en ligne puisque le vendeur devient directement responsable de toute défaillance que celle-ci soit de son fait ou de celle de ses sous-traitants (banques, livreurs),
  • accélération de la diffusion du haut débit grâce aux nouvelles possibilités d’intervention des collectivités locales,
  • création des conditions juridiques de la poursuite de la baisse des prix des services de télécommunications notamment de l’ADSL,
  • tarification à la seconde de la téléphonie mobile garante de la transparence,
  • application à la téléphonie mobile de la gratuité des numéros verts.

En espérant vous avoir convaincu, nous vous remercions pour l’opportunité de cet échange.

Patrick OLLIER, Jean DIONIS DU SEJOUR

Note : [1]

- fondées sur les textes juridiques internationaux les plus élévés (article 12 de la déclaration universelle des droits de l’homme : « nul ne fera l’objet d’immixtions arbitraires dans (…) sa correspondance (..) » ; article 8 de la convention européenne des droits de l’homme : « toute personne a droit au respect (…) de sa correspondance »).

- déclinée en droit français par le droit français en particulier par l’article 226-15 du code pénal qui punit d'un an d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende.le « fait, commis de mauvaise foi, d'ouvrir, de supprimer, de retarder ou de détourner des correspondances arrivées ou non à destination et adressées à des tiers, ou d'en prendre frauduleusement connaissance ».

Dont acte, cependant je maintiens qu'il convient de rester vigilant, précisément parce que la création d'un nouveau corpus législatif dédié à internet ouvre la voie à de nouvelles modifications, ou à la rupture avec le droit existant.