La démocracie face au terrorisme

Certains se désolent que les terroristes auraient influencé les élections espagnoles, emportant ainsi une victoire contre la démocratie. Quelle preuve ont-ils de cela ? S'il semble acquis que la participation a augmenté en partie à cause des attentats du 11 mars, qui peut dire que si Aznar avait fait immédiatement preuve de transparence dans l'enquête, n'avait pas tenté d'éluder la relation de cause à effet de sa décision d'intervenir en Irak au côté de la coalition et des menaces de représailles d'Al Qaeda, avait montré une détermination dans l'action contre le terrorisme d'où qu'il vienne, le Parti Populaire aurait tout de même perdu les élections ? Il est tout aussi probable que les espagnols auraient voté pour le PP, déjà favori dans les sondages. N'oublions pas que quelques semaines après être descendu dans la rue pour protester contre l'entrée en guerre de l'Espagne, les espagnols donnaient la majorité absolue au PP lors des élections municipales et régionales à Madrid.

Les paranoïaques n'auront pas attendu longtemps pour dire que le but était d'obtenir le retrait des troupes espagnoles de l'Irak, retrait qui faisait partie du programme électoral du Parti Socialiste espagnol. Là encore, quelle preuve ont-ils de cela ? Je pense que ces terroristes-là ont aussi peu d'intérêt pour l'Irak qu'ils en ont pour la démocratie. Ils se repaissent au contraire des foyers de tension dans le monde arabe comme autant de prétendues justifications à leurs actions autrement injustifiables.

Non, vraiment, la démocratie a pleinement fonctionné ce dimanche en Espagne et les espagnols ont sanctionné le comportement de leur gouvernement et le cynisme électoral de leur premier ministre.

Dans un éditorial de Libération hier, Patrick Sabatier rappelle cette phrase de Talleyrand : "en politique, ce qui est cru est plus important que ce qui est vrai".

Il est temps que le personnel politique comprenne que la réponse aux ennemis de la démocratie, c'est plus de démocratie. Et que gagner la confiance du peuple en pariant sur sa crédulité est une tactique inacceptable.

A voir, chez Laurent :

  • les commentaires sur la soi-disante victoire d'Al Qaeda
  • cette citation de Juan Luis Cebrián :

    Ce que les Espagnols ont peut-être sanctionné est le mouvement de fond qui a présidé à ses deux mandats, un mouvement qui correspond à une Espagne traditionnelle dont l’Histoire nous montre quels malheurs elle a pu nous apporter, un mouvement qu’Aznar a incarné dans son intransigeance, sa vision unilatérale des choses, son amour de la pensée unique, sa facilité pour l’insulte, le rejet et l’arrogance.
  • mention du billet correctifs espagnols de Chryde lequel pointe vers une interview d'Olivier Roy, chercheur au CNRS, qui replace Al-Qaeda à sa place d'épouvantail médiatique :

    Al-Qaeda n'existe que dans la mesure où elle commet des attentats. Ce n'est pas comme ETA, qui peut renoncer à la violence pour passer au politique... C'est une organisation terroriste par définition. Ses attentats doivent faire la une des médias. On attaque donc des cibles à la fois relativement faciles et dont on est sûr qu'elles feront la une.