L'art de la fugue

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Non, ceci n'est pas une recette pour échapper au réveillon familial. En musique j'ai toujours été un amateur, au sens positif du terme. Je serais donc bien incapable d'aller très loin dans mes explications mais il y a quelque chose que j'apprécie dans la musique baroque (voilà, j'ai perdu 99% des lecteurs en route) et que j'aimerais partager.

"Le baroque c’est la liberté dans le carcan" dit Yvon Repérant. L'une de ses caractéristiques est l'ornementation, un autre un goût prononcé pour l'improvisation (d'aucuns ajouterons la parodie). Tout n'est pas écrit sur la partition et la place laissée à l'interprète est très grande, c'est peut-être ce qui permet toujours une production continuelle de nouvelles interprétations. A cela s'ajoutent les caractéristiques de certains instruments, je pense en particulier à l'absence de dynamique de l'orgue et du clavecin que l'on contourne par l'articulation, c'est-à-dire un jeu savant de liés et déliés, les accents, et la maîtrise des tempos (non écrits, là encore). J'ai eu la chance d'avoir une passion qui embrasse tant l'instrument que le répertoire baroque, car l'un n'est pas moins riche que l'autre.

Je voudrais illustrer l'importance de l'interprétation, et ses différences, par des extraits choisis de L'art de la fugue (BWW 1080), de Jean-Sébastien Bach par deux organistes au doigté très différent : André Isoir (orgue Grenzig de Saint-Cyprien) et Kei Koito (orgue Dom Bedos/P. Quoirin de Sainte-Croix de Bordeaux) :

Contrapunctus 1 : André Isoir, Kei Koito
Contrapunctus 4 : André Isoir, Kei Koito
Contrapunctus 17 : André Isoir, Kei Koito

J'ai une préférence naturelle pour Isoir et son jeu souvent très rapide et toujours dynamique, mais j'apprécie aussi celui de Koito, bien que je le trouve un petit peu plus conventionnel par moment. Les orgues et le choix des jeux de chacun ajoutent à la différence. Je vous laisse juge.

Et ceux qui disent que Bach c'est "carré" sont aussi sourds que ceux qui trouvent que le clavecin a un son métallique (bien que mes chances soient maigres de faire découvrir Scott Ross et Domenico Scarlatti aux adeptes de Star'Ac).

N.B. Les courts extraits publiés ci-dessus à titre d'illustration sont tirés des éditions suivantes : L'art de la fugue par André Isoir, Calliope (CAL 9719, 78'41) et Die Kunst der Fuge par Kei Koito, Tempéraments - France Musique (HM 65x2, 2 CD, 41'53 - 49'40). Je précise à l'attention des avocats des oligopoles éditeurs de musique que j'ai acheté les deux CD en question (et qu'ils sont excellents).