Quand la démocracie impose l'inacceptable

Laurent démonte mon coup de gueule sur José Bové au milieu de moultes commentaires très informatifs et articulés. Doxa a parfaitement saisi le sens de mon billet : une caricature. Ma mauvaise foi est immense dans la caricature, pour paraphraser Olivier (lequel, au passage, ne s'exprime certainement pas moins bien que moi). Dans la caricature, point de mesure, j'avais en tête cette image de Bové inquisiteur, le reste a suivi du titre à la conclusion en seulement quelques minutes. Dans le coup de gueule, le couple de neurones qui ont survécu à mon passé de chercheur scientifique et me poussent à documenter un argumentaire ont une efficacité inversement proportionnelle à mon énervement. Et c'est peu dire que Bové m'énerve, en particulier lorsqu'il désert par de maladroites (euphémisme) sorties médiatiques des causes qui méritent l'attention du plus grand nombre.

J'ai l'impression qu'Olivier et moi avons égratigné une icône. En particulier l'une des icônes de Laurent, lequel m'a accusé aussi sec de jeter le bébé avec l'eau du bain, ce que je n'ai pas fait. Qu'il ne le reconnaisse toujours pas malgré un argumentaire pourtant fortement détaillé me renforce dans cette idée. Ca n'a somme toute aucune importance car les idées développées ici et là ne ferment pas le dialogue, elles prêtent au contraire à réfléchir.

Pour ma part, ma réflexion sur d'autres voies de développement était entamée avant que certains ne renomment discrètement leur discours anti-globalisation radical en un altermondialisme moins encombrant. Ma formation scientifique et presque deux ans au CNRS ont contribué à me sensibiliser à l'importance vitale de la recherche publique, que quasiment tous les gouvernements tentent de réduire à peau de chagrin depuis des décennies dans l'apathie générale de citoyens qui n'en voient pas l'intérêt (on gaspille mes impôts, on freine la compétitivité des entreprises) mais n'ont pas peur de la contradiction lorsqu'ils refusent l'inconnu en masse parce qu'on "ne sait pas si c'est dangereux". Précisément, il faudrait savoir où l'on va, et que ce savoir soit dans le domaine public.

Reste une série de questions fondamentales :

Quand tu luttes dans le cadre "démocratique" et que rien n'avance, rien de bouge, que faire ? Quand la "démocratie" t'impose l'inacceptable, que faire ? Ça veut dire quoi démocratie dans ton esprit ?

Ces questions là non plus, je n'ai pas attendu que tu me les poses, Laurent, pour qu'elles m'interpellent. Ni pour qu'elles me poussent à agir d'ailleurs, faisant partie d'une minorité qui a longtemps subi l'inacceptable. Je dirais simplement que j'ai, modestement, participé à faire plier quelques politiques (ou absence de politique) dans ce pays sans jamais avoir détruit quoi que ce soit ou froissé plus que l'égo d'un élu. Mais sans vouloir esquiver -- mon passé associatif et militant fera peut-être, sûrement, l'objet d'un futur billet -- si je connaissais la forme idéale de démocratie qui préviendrait toutes les dérives, je crois bien que je ferais de la politique.