L'UMP offre une brillante démonstration des méfaits du vote électronique

Metronews nous montre comment frauder à la primaire UMP pour les municipales à Paris.

La fraude exposée ici est que n'importe qui peut inscrire n'importe qui d'autre à condition de connaître son état civil (nom, adresse et date de naissance). C'est particulièrement facile dans n'importe quelle organisation ou entreprise qui possède ces informations, comme le montre Metronews qui a ainsi obtenu quatre bulletins de vote virtuels pour la modique somme de 12€ et moins d'une demi-heure de travail. Le faible intérêt qu'ont les électeurs parisiens de droite pour cette primaire, rend le poids d'un bulletin significatif. Et le petit jeu populiste de l'UMP avec le mariage pour tous leur est revenu dans la figure avec la tentation affichée de l'aile droite du mouvement d'interférer de plus en plus pour exister, par exemple en marquant le coup contre « l'abstention militante » (pouf pouf) de NKM sur cette loi.

On apprend que la faille était connue des organisateurs du scrutin :

"On peut effectivement voter pour deux personnes, mais c’est une décision qui est assumée, explique-t-on chez Docapost. Nous avons prévu le cas de couples qui n’auraient qu’un seul portable ou qu’un seul mail pour deux. Cela ne peut pas permettre une fraude à grande échelle”, veut-on se rassurer.

Ce que Metronews considère, à raison, comme une faille est en réalité conçu par les organisateurs et leur prestataire privé (Docapost, filiale de La Poste) comme une fonctionnalité. On appréciera ainsi, s'il était encore besoin après leur brillant exposé parlementaire de ces derniers mois sur leur conception de la famille, la vision particulièrement moderne qu'a l'UMP sur les couples où une seule personne peut voter pour deux (je suppose qu'ils appellent ça le « chef de famille »). J'attends avec impatience le moment où l'UMP va proposer d'étendre cette facilité à d'autres votes, parce que c'est vraiment pas pratique d'avoir à tout faire soi-même.

Pour ce qui est des arguments d'autorité, nous sommes servis par les traditionnels « dormez, tout va bien ». On a tout prévu, y compris d'intervenir arbitrairement dans la boite noire pour « rectifier » le scrutin. Je voudrais bien savoir comment ils vont faire, exactement, pour faire le tri entre les couples où un seul aura voté pour deux (un cas considéré comme légitime par l'UMP) et quelqu'un qui aura, par exemple, inscrit toute sa famille (même nom sur la CB) avec une véritable intention de frauder. Il est parfaitement possible et faisable de frauder sans qu'ils puissent garantir la sincérité du vote. Mais nous on sait, on vous dit que tout va bien, c'est un pur argument d'autorité sans aucune valeur que ce que vous voulez bien croire.

La CNIL, comme à son habitude, botte en touche :

"l’UMP a respecté la majeure partie des recommandations que la Cnil lui a faites sur les mesures de sécurité”. Concernant d’éventuelles fraudes, "des mesures raisonnables ont été prises pour s’en prémunir”.

Traduction : l'UMP n'a pas respecté toutes les recommandations de la CNIL (le nombre n'a pas d'importance, il pourraient avoir écarté des recommandations particulièrement importantes). Au passage, un autre argument d'autorité nous est servi avec « des mesures raisonnables ont été prises ». Lesquelles et en quoi sont-elles « raisonnables » (plutôt qu'effectives)?

J'espère que cette expérience pratique (dont le véritable bénéficiaire est une société commerciale qui veut gagner de l'argent avec une technologie particulièrement contestable) convaincra un peu plus de décideurs à l'UMP pour que ce ne soit plus le seul parti du paysage politique français à vouloir à toute force remplacer par ce genre de bricolage le bon vieux scrutin à l'urne transparente qui a fait ses preuves sur les plans de l'authenticité, la sécurité et l'anonymat du vote qui sont des fondements de la démocratie.

P.S. rions encore un peu avec NKM qui sent le vent du boulet et Copé qui appelle au  « sang-froid ». NKM dénonce des problèmes techniques :

«de nombreuses personnes inscrites sur le site des primaires rencontrent un important et récurrent problème technique de compatibilité de leur ordinateur pour le vote»

Alors que n'importe quel professionnel du web sait se débrouiller avec la pléthore de navigateurs utilisés par les internautes, les informaticiens pur jus qu'on retrouve inévitablement dans les structures comme Docapost sont comme à leur habitude dans leur monoculture IE/Windows et de service informatique qui croit pouvoir imposer leurs outils à tout le monde (rappelez-vous le gag de la mise à jour Java l'an dernier).
Au passage, on apprend que la CNIL n'a pas « validé » le processus.

Vous les voyez les apprentis-sorciers maintenant ?

P.S. 2 : « L'UMP brûle-t-elle à Paris ? »

Dénonçant les « défaillances incontestables » du système de vote électronique imaginé pour faire échec à toute fraude, le jeune élu du XVIIIe arrondissement, principal challenger de Nathalie Kosiuscko-Morizet demandait la suspension des opérations. Requête aussitôt écartée.

Le vote électronique est, par essence, éminemment contestable. Il n'y a donc aucune suprise à ce qu'il soit dénoncé comme suspicieux. On n'a pas fini de rire.