Forever Living Products poursuit Zataz

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La société Forever Living Products poursuit Damien Bancal, journaliste et éditeur du site Zataz. La faute de ce dernier ? Avoir aidé la dite entreprise à sécuriser un de ses serveurs FTP qui était ouvert à tous vents, ce pour quoi cette société l'a remercié, mais surtout avoir publié cette information sur Zataz, ce pour quoi il est maintenant accusé de tous les maux, y compris une accusation absurde de piratage. Damien Bancal est à deux doigts de jeter l'éponge devant ce qu'il reçoit comme du harcèlement judiciaire.

L'apparente schizophrénie dans le comportement de Forever Living Products a une explication.

N'importe quel service technique opéré par des gens normalement constitués accueillera la procédure et l'aide de Zataz avec bienveillance. Après tout, l'erreur est humaine et ce genre de chose peut arriver, et arrive, à beaucoup d'entreprises. Le protocole d'alerte de Zataz semble tout à fait sain du point de vue de l'ingénieur que je suis, et je serai reconnaissant à Damien s'il venait à me prévenir d'un problème de ce genre sur l'un de mes serveurs.

N'importe quel service de communication, normalement opéré par des gens constitués pour projeter une image parfaitement positive de l'entreprise et cacher tout le reste sous le tapis (ou appelle ça des communicants), poussera des cris d'orfraie à la vue de la publication d'un article qui dit, en substance, que la société a laissé des informations bancaires confidentielles de ses clients accessibles au tout venant sur un de ses serveurs. La première réaction d'un communicant n'est généralement pas de communiquer avec l'auteur de l'article. Même pour le communicant que je suis c'est contre-intuitif, mais la plupart des services de communication sont peuplés de cordonniers mal chaussés (de part la volonté de directions générales qui ne veulent y voir que de serviles exécutants au service de leur propre image, mais c'est un autre débat). Montrez un article de Zataz à un communiquant qui ne comprend que pouik à la technique et pour qui un journal respectable ne peut que se vendre en kiosque ou être distribué gratuitement dans les avions, et vous pouvez être sûrs que dans les minutes qui suivent le service juridique est sur les dents.

Le rôle d'un service juridique est de réduire les risques pour l'entreprise. Toute autre considération est hors de leur champ de vision, à tel point que si l'on suit leur logique jusqu'au bout, le meilleur moyen est de cesser de faire du business. Pour un juriste d'entreprise, tous les moyens sont bons, en particulier quand il s'agit de taper sur un adversaire qui est manifestement en position inférieure d'un point de vue juridique (comprendre : n'a pas les moyens financiers de supporter une procédure longue et coûteuse). Ce n'est pas pour rien qu'on dit « lâchez les chiens » quand on leur confie une mission.

Dans cette affaire, les dirigeants de Forever Living Products ont simplement lâché leurs chiens pour tenter d'étouffer un article qui porte atteinte à leur image, un crime que n'efface pas l'aide pourtant réelle que Zataz leur a apportée en leur permettant de clore un trou de sécurité dont ils sont responsables. Ce genre de comportement est pratiquement un réflexe pavlovien, et Zataz en a déjà vu et en verra d'autres. Damien Bancal s'y expose en publiant le nom des entreprises concernées dans ses articles, ce qu'il justifie de son point de vue en ce que cela les oblige à agir lorsqu'elle n'ont pas répondu à son processus d'alerte.

Il reste un terrain sur lequel Zataz peut continuer à se battre : celui de la communication. Comme Laurent le fait justement remarquer, l'interdiction de citer le nom de l'entreprise ne s'applique qu'à Damien Bancal. Je pense pour ma part qu'il est important de faire comprendre au maximum de communicants que leur habitude de lâcher les chiens sans le moindre discernement dès que quelque chose de déplaisant est publié sur le web, peut rapidement se retourner contre eux. Il ne s'agit pas pour moi de considérer qu'on peut publier n'importe quoi sur le web, mais aller accuser Zataz de piratage dans un déni total de responsabilités, le tout sous la forme d'un marteau pour écraser une mouche, est d'une lâcheté sans nom.

P.S. Le buzz semble bien parti. Je pense que le service communication de Forever Living Products appréciera de voir son image associée à celle d'Hitler. Moi aussi j'attends le billet d'Eolas.

Mise à jour [25/9] : épilogue positif pour Zataz, FLP ne cherchera pas à recouvrir les condamnations pécuniaires contre Damien Bancal. Communiquer, dans les affaires d'image, ça sert à quelque chose.