Les ordinateurs de vote, trouble à l'ordre public ?

L'opposition aux ordinateurs de vote est en train de prendre une tournure radicale, au point que ces machines sont en passe de provoquer des véritables troubles à l'ordre public. J'en veux pour preuve la multiplication, ces dernières semaines, d'appels allant de l'action juridique au sabotage pur et simple.

Tout d'abord, et jouant sur le niveau lamentable de sécurité de ces machines, on peut trouver en ligne diverses informations sur la façon de les pirater. Si vous voulez découvrir les entrailles des machines Nedap, voyez ce travail de reverse-engineering par les mêmes qui ont réussi à démontrer qu'il est possible d'en remplacer le logiciel en deux minutes. Vous n'avez pas les clés ? Pas de problème, si Nedap a fait en France ce qu'ils ont fait en Hollande ce sont de vulgaires clés à quelques centimes du genre de celle de votre boite-à-lettres, et ce sont les mêmes pour tout le parc de machines (Diebold avait fait pareil aux Etats-Unis). On voit où les fabricants placent la barre sur des joujoux qu'ils vendent dans les 5000€ pièce, et surtout on voit l'incurie du ministère de l'intérieur et la totale inutilité d'une pseudo certification à partir d'un cahier des charges mal fichu et qui s'assoit ainsi sur la sécurité. Et je parie qu'on trouvera bientôt quelques pièces détachées intéressantes en vente sur eBay...

Ensuite, circulent des appels à contester le scrutin dans tous les bureaux de vote (contre les machines dans ceux qui en sont équipés, ou contre le fait que l'ensemble des électeurs ne va pas voter en utilisant le même système sur tout le territoire, à chaque fois l'idée est d'exprimer le soupçon et le manque de confiance dans ces boites noires). Si de nombreux citoyens s'y mettent, ça promet une belle pagaille le jour du scrutin, supprimant tout le bénéfice attendu d'un soi-disant gain de temps. Dans le genre action juridique, nous avons aussi ceci : « Faites annuler les machines à voter en 10 minutes via notre formulaire type de class action en référé liberté ». Outre le fait que la « class-action » n'existe pas en droit français, c'est surtout le motif qui tombe à plat. Ce texte dit « Contrairement aux obligations imposées par le Code électoral, aucune des machines utilisées ne fonctionne avec deux clés différentes uniques. » Il semble bien que ces machines ont deux clés physiques (certes, pas uniques, mais l'unicité ne semble pas exigée par le ministère de l'intérieur dans son agrément, comme nous l'avons vu ci-dessus). Quant à cette histoire de cryptographie (clé publique, clé privée) elle relève pour moi d'une regrettable confusion des auteurs de ce formulaire (et elle est déjà source d'une rumeur, je l'ai entendue de la bouche d'une connaissance la semaine dernière). De l'avis de différents juristes, aucune de ces deux actions n'a la moindre chance d'aboutir, mais elles engorgeront le système.

Enfin, et c'est le plus grave, il commence à émerger des appels au sabotage, comme celui-ci. Ce genre d'acte est bien évidemment totalement illégal (il est puni d'un an de prison et de 15 000€ d'amende si je ne m'abuse), en plus d'être complètement stupide puisqu'il ne fera que desservir le but recherché de « stopper les machines ». Mais il montre bien dans quels retranchements ces machines, la façon dont elles ont été introduites à la sauvette et l'autisme du ministère de l'intérieur face à la levée de bouclier poussent certains électeurs.

Je ne connais pas la définition exacte du trouble à l'ordre public, mais ça sent très mauvais. Si le ministère de l'intérieur est prêt à ignorer ceci comme il a ignoré tout le reste dans ce dossier, les prochains scrutins risquent de ne pas être aussi simples que d'appuyer sur un bouton...