Comment tuer un billet avec un simple email (et se tirer une balle dans le pied)
Savez-vous qu'en lisant ce blog régulièrement vous pouvez voir l'avenir ? La preuve...
La SNCF censure un billet sur un blog Typepad en envoyant un simple courrier à l'hébergeur, lequel s'exécute immédiatement sans se poser de question.
Je l'avais prédit il y a un peu moins de trois ans quand j'avais décortiqué la fameuse loi LCEN :
[J]e fais le pari que beaucoup choisiront le chemin de moindre résistance lorsqu'un litige verra le jour, ce qui conduira à la suppression de contenus qui n'auront pourtant pas de caractère manifestement illicite ou n'auront pas fait l'objet d'un jugement. N'oubliez pas qu'en cas de suppression illégitime d'un contenu, c'est la responsabilité de la personne qui a demandé cette suppression qui est engagée, pas celle de l'hébergeur !
Voir aussi : comment tuer un site avec un simple email.
Je rappelle, notamment au blogueur concerné, que la LCEN offre un garde-fou utile (article 6 I-4) « le fait, pour toute personne, de présenter aux personnes mentionnées au 2 un contenu ou une activité comme étant illicite dans le but d'en obtenir le retrait ou d'en faire cesser la diffusion, alors qu'elle sait cette information inexacte, est puni d'une peine d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende. »
Sur le même sujet, et sans juger de sa légalité qui semble douteuse, la réaction de la SNCF est stupide (encore des gens qui n'ont pas lu mon livre alors que je parle du blog de Guillaume Pepy dedans :p). Cette action va provoquer une vague de protestation et offrir au blogueur censuré une chambre d'écho à bien plus forte audience que son seul blog. Premiers résultats :
- Embruns : SNTR (il reprend les fameux logos incriminés)
- Pointblog : Typepad réagit à un détournement du logo de la SNCF
- MonPuteaux.com : la SNCF et Typepad censurent un blog (avec une des images incriminées)
- WebCitoyen : La SNCF et Typepad ne goûtent pas le train-train quotidien
- LordPhoenix's blog : Censure des blogs : l’arroseur arrosé
- Versac : Bravo la SNCF ! (avec le logo SNTR)
- Infocéane en fait un article
- Pointblog publie un droit de réponse que Bernard Emsellem, le directeur de la communication de la SNCF, leur a adressé
- L'observatoire des blogs francophones : Des blogueurs critiquent la censure d'un billet par Typepad à la demande de la SNCF (avec une des images)
- Zevillage : La SNCF et Typepad censurent le blog Train Train quotidien
- JB Plantin : 2 mauvais points : SNCF et Six Apart (avec le logo SNTR)
- Voyages-SNCF (le blog) : La SNCF et Typepad ne goûtent pas le train-train quotidien
- L'instantané : Contre les retards, la SNCF censure
- LaurentVG : La SNCF déraille en se raillant des serial retardataires
- Za Blog : Blogs et censure (avec une des images)
- Comme une 76 : Censuré par Typepad sur demande de la SNCF (avec toutes les images)
- Philippe Maxence : La SNCF ne manque pas d'air
- Alexandre Xiradakis : Typepad réagit à un détournement du logo de la SNCF
- GrandRouen.com : La SNCF censure Train-train quotidien (avec une image)
- Les Influenceurs ont une bannière : Censuré par la SNCF sur Typepad
- LeRomanais : Le détournement de logo ne saurait être interdit (avec le logo SNTR)
Gageons qu'il y en aura d'autres. Vous pouvez suivre la chose via le "cosmos technorati" de Train train quotidien. Ironie de la chose, de nombreux blogs sus-cités qui ont republié les images incriminées sont hébergés par Typepad.
Bel exemple d'ignorance de la dynamique des blogs, il faudra que je pense à faire un peu de publicité à la SNCF et à Typepad à la conférence Web 2.0 de Benchmark, où le sujet de la table ronde à laquelle je participe est justement « Blogs, dépose d'avis… : prendre le virage du contributif ? » (Il y a des virages trop rudes pour le TGV :D)
J'ai une question subsidiaire pour mes avocats lecteurs. La réponse d'Olivier Creiche (Typepad), telle que rapportée par le blogueur me paraît particulièrement maladroite dans la mesure où il cautionne le caractère supposé illégal par la SNCF de la publication incriminée. Je cite :« Je vous rappelle qu'il s'agit d'une pratique illégal [sic] et que de ce fait nous n'avons pas le choix sinon de supprimer ce type de contenus. » La question est : dans ce cas, est-il possible d'attaquer également l'hébergeur Typepad, au titre de l'article sus-cité ?
P.S. (23 mars) Olivier Creiche a répondu à Xavier Moisant, en faisant une proposition très constructive, et remarquable dans la mesure où il va au-delà du confort (relatif) que lui apporte la loi. Non seulement il présente ses excuses pour la chronologie de événements, mais il a invité la SNCF à entamer une démarche judiciaire pour légitimer sa demande, à défaut de quoi la note supprimée sera remise en ligne par Typepad dans les huit jours. Bravo ! Outre de montrer que le service communication de la SNCF ne comprend pas les blogs, cette affaire aura eu également le mérite de montrer les aléas de la LCEN tant pour les éditeurs que les hébergeurs, aléas que j'avais soulignés au moment de son élaboration.
Commentaires
Philippe Lestang
Il semble que Google a aussi supprimé l'info?
Le billet de train-train-quotidien que vous citez en début de texte comprend la phrase suivante:
"Voici la note que vous n'avez pas le droit de voir dans le cache de Google".
Eh bien sur le site de Google la page a été actualisée, et le billet n'y est pas, si j'ai bien vu.
François
Le cache de Google est actualisé en permanence, à chaque réindexation de la page en question, ce n'est pas un historique mais une photo de ce qu'a vu le robot la dernière fois qu'il est passé. Là, il est repassé et, bien sûr, il n'a pas pu voir le billet qui avait été supprimé. Ce n'est JAMAIS une méthode fiable pour conserver un contenu, tout au plus une rustine, qui ne dure que quelques heures, pour retrouver un contenu fraîchement supprimé (et à condition que Google l'ai vu avant).
Xavier Moisant
Merci François. J'avais commencé à creuser la LCEN pour contester la suppression et la démarche, tu m'éclaires très utilement.
Xavier Moisant
Oups, les commentaires vont trop vite et je n'avais pas vu l'échange précédent quand j'ai ouvert la page. Le cache Google, c'était un clin d'oeil lors de la rédaction du billet. J'ai une capture d'écran du billet supprimé que je vais mettre en ligne dans la soirée.
François
Xavier, pourquoi ne remets-tu pas simplement le billet en ligne, sans les images ? Ce faisant, tu supprimes la raison invoquée par la SNCF pour faire pression sur Typepad, et tu rends l'information plus facilement exploitable pour tout le monde.
Xavier Moisant
Parce que Typepad a supprimé le billet tel quel : texte, images, commentaires... Malheureusement, je ne l'avais pas rédigé avec ecto et je n'ai pas d'archive.
Je crois me rappeler que tu avais fait un billet sur l'inconvénient de recourir à une solution de blog comme typepad mais je ne le retrouve pas. Ma mémoire me joue des tours ?
François
Xavier, lance un appel à tes lecteurs, il y en a bien un qui doit avoir le billet dans son agrégateur. Sinon, un des gros pièges de Typepad (et d'autres solutions hébergées) c'est la sauvegarde des données (va donc essayer de récupérer ton blog, y compris les fichiers et les commentaires) pour éviter ce genre de gag, ou changer de crèmerie. Voilà pourquoi j'ai mon propre hébergement, et un miroir automatisé en plus des sauvegardes serveur.
François
Le comportement de Typepad est cavalier, à tout le moins. D'abord on ne parle pas comme ça à un client qui paye, ensuite ils auraient pu mettre le billet hors ligne en te laissant un délai pour en récupérer le contenu.
François
Xavier, tu pourrais réclamer à Typepad une copie de sauvegarde du billet, des images et des commentaires.
Guillermito
Padawan : "(article 6 I-4) : présenter (..) un contenu (...) comme étant illicite dans le but d'en obtenir le retrait (...), alors qu'elle sait cette information inexacte, est puni d'une peine d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende"
Bien vu. Le meme garde-fou existe aussi dans l'affreux Digital Millennium Copyright Act (DMCA) aux USA. Et, encore mieux, il a été testé devant des tribunaux plusieurs fois. De mémoire, l'EFF a gagné au moins deux actions en justice, tres recemment face a un troll individuel et un peu plus tot face a une grosse entreprise dont le nom te parlera sans doute vu tes récents billets : Diebold, la boite qui produit les machines a voter.
Dans les deux cas, le type et la boite ont envoyé, comme dans le cas présent, des notices a des sites web, demandant de supprimer des contenus dont ils prétendaient faussement qu'ils étaient illégaux, alors qu'ils ne l'étaient pas. Comme Typepad, la majorité des hébergeurs se sont couchés comme des limaces. Mais l'EFF s'est saisi de l'affaire, et a gagné dans les deux cas. Le troll individuel a été obligé de se ridiculiser, et Diebold a du payer 125.000 dollars pour sa tentative d'intimidation.
J'aimerais bien que la meme chose se passe en France, cette affaire de censure en est l'occasion.
References :
http://www.eff.org/news/archives/2007_03.php#005161
http://www.eff.org/legal/ISP_liability/OPG_v_Diebold/
Par ailleurs, un petit "testing" des ISPs francaises, a la maniere de celui que tu cites dans ton lumineux article de 2004, serait une excellente chose pour donner un coup d'éclairage sur ces abus. Si ca n'a jamais été fait, il n'y a qu'a. Des amateurs pour mettre faire bouger les choses ?
Vince
Plus le blog et les UGC prennent de l'importance et plus les tendances à vouloir controler se développent.
L'exemple Libération que nous citons sur Brent est éloquent sur ces difficultés, a relayer aussi !
http://b-r-ent.com/news/la-carte-de-la-blogosphere-ou-carte-des-nombrils
Xavier Moisant
J'envoie un mail ce matin pour demander le rétablissement du billet. Je reviens vous tenir au courant.
Anne_W
Concernant la question subsidiaire, une partie de la réponse n'est-elle pas chez Maître Eolas, dans l'analyse qu'il a effectué en 2005 sur la responsabilité des blogueurs, à lire à http://maitre.eolas.free.fr/journal/index.php?2005/05/30/135-responsabilite-du-blogueur ? Il l'a laissé en exergue sur son blog, donc l'analyse est vraisemblablement encore valable.
Ce que j'aime chez lui, c'est qu'il dissèque pour ses lecteurs les textes de loi et la jurisprudence.
Mais vous le savez, vous connaissez ce blog, bien entendu.
François
@ Anne_W : je connais le blogueur aussi :). J'ai relu l'article d'Eolas et en relisant également à haute voix l'article 6 I.4. je me dis que l'hébergeur semble effectivement irresponsable (sourire ironique).
Laurent VERMOT-GAUCHY
Dois-je consulter mon avocat pour atteinte à ma dignité, quand je lis laurentGV dans la liste chambre d'écho ... alors que j'ai clairement signifié n'avoir aucun lien de parenté avec tgv :-)
Bon, mon ego devrait s'en remettre mais quand même... ;-) LVG
François
@Laurent "TGV" : rire, mon inconscient sans doute :p. C'est corrigé.
Stella
Le cache de Google est actualisé en permanence, à chaque réindexation de la page en question, ce n'est pas un historique mais une photo de ce qu'a vu le robot la dernière fois qu'il est passé. Là, il est repassé et, bien sûr, il n'a pas pu voir le billet qui avait été supprimé. Ce n'est JAMAIS une méthode fiable pour conserver un contenu, tout au plus une rustine, qui ne dure que quelques heures, pour retrouver un contenu fraîchement supprimé (et à condition que Google l'ai vu avant).
François
@Stella : c'est quoi l'intérêt de faire un copier/coller de mon propre commentaire au dessus ?
k-ny
Oh, je n'avais pas eu connaissance de cette affaire, en tout cas ça ne fait que pousser les internautes à se délocaliser !
brad
Je le crois pas, c'est tout de mème hallucinant ^^
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