1er décembre 2006, journée mondiale contre le SIDA

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Rétrospectivement (lire l'épisode précédent) je ne vois toujours pas de progrès tangible, si ce n'est qu'on a reparlé récemment de vaccin, avec un appel à volontaires diffusé à la télé il y a quelques jours pour un test en France.

Tout à l'heure, je suis tombé sur une des affiches de la campagne d'AIDES, dont le thème est « C'est le SIDA qu'il faut exclure, pas les séropositifs ». Il s'agissait de celle montrant Laurent Ruquier avec cette accroche : « Seriez-vous prêt à tout essayer avec moi si j'étais séropositif ? », et qui me touche plus que les autres (les visuels sont là, dommage que le traitement graphique rende celle avec Ruquier quasiment illisible).

Cette phrase me touche non parce que je serais séropo, j'ai heureusement la chance de ne pas l'être, mais parce que je me la suis prise en pleine gueule, directement, en me comportant par deux fois comme un parfait imbécile avec des proches séropos. J'ai fait un sérieux chemin depuis, mais il aura fallu que je blesse deux personnes pour comprendre un peu mieux la profondeur de l'exclusion dont elles sont victimes. Et que je puisse en être auteur me fait honte. Par maladresse certes, mais surtout par peur, ce qui explique un peu et n'excuse rien.

Bienheureux êtes-vous si vous n'avez jamais été confronté au problème de la sérodiscordance d'un couple. Car il faut vivre ce moment de l'aveu difficile, angoissant, douloureux, pour mesurer le degré de stigmatisation de la personne qui attend, comme un verdict, de savoir si elle a enfin trouvé l'âme sœur ou si elle va encore passer pour un pestiféré. J'imagine que l'immense majorité des hétéros passe, inconscient, à côté de ce moment de vie devenu monnaie courante chez les homos et incontournable à Paris1. Et les chiffres de progression de la maladie ont tout pour me rendre encore plus pessimiste2.

« poz 2 poz, 'coz it's the only way » écrit ce barebackeur3 sur son profil, symbole de la partie émergée d'un iceberg qui a déjà commencé à couper en deux le Titanic où la croisière gay s'amuse, entre séronégatifs d'un côté, séropositifs de l'autre. Tant qu'il s'agit d'un coup d'un soir, personne (ou presque) ne se pose la question. Mais quand il s'agit de quelque chose d'un peu plus sérieux, on cherche les bouées et les canots de sauvetage...

Ma question du jour sera donc : serais-je prêt à tout essayer avec toi si tu étais séropositif ? Heureusement, l'amour est aveugle.

Putain de virus, sortez couverts.

Notes :

1. Bien que je ne fasse (hélas :p) pas preuve de la débauche que me prête cette imbécile homophobe, j'ai souvent l'impression qu'on frôle des sommets de séropositivité chez les quarantenaires parisiens. Et quelques notions restantes de statistiques et l'observation de mes camarades me donnent l'intuition que ça ne va pas s'arranger au fur et à mesure du vieillissement de ma génération :-(.

2. Les homosexuels masculins représentent 27 % des découvertes de séropositivité, soit 1809 nouveaux cas en 2005, en majorité des jeunes qui n'ont jamais connu la « maladie SIDA » (comme disait France Inter ce matin, qui ajoutait que la moitié des contaminations sont hétérosexuelles, information bizarrement manquante dans les chiffres publiés par AIDES). La base de données VIH de l'Institut de veille sanitaire donne des chiffres très différents, pas évident de croiser tout ça !

3. Le barebacking, littéralement « monter à cru », est un acte assumé de plus en plus visible. Indépendamment de ce que j'en pense à titre personnel, je le vois comme un thermomètre du ras-le-bol des séropos face, en partie, à l'exclusion dont ils sont victimes.