Pérennité

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Trois nouvelles me donnent l'occasion de pointer un problème dont, à mon avis, pas assez de gens ont conscience dans le développement du web actuel : la pérennité des services et des données.

Alors que Google vient de racheter JotSpot, Orange débranche SmartGroups. Plus près de chez nous, le Monde migre sa ferme de blogs de Typepad vers WordPress.

Qu'ont ces trois nouvelles en commun ?

Elles symbolisent à la fois :
- le mouvement d'adoption désormais bien établi d'une informatique plus "légère" (applications et services web, demandant un accès internet et un "client" relativement banalisé, pouvant être fournis aussi bien par l'entreprise que des prestataires de services/applications hébergés), par opposition à une informatique "lourde" (applications installées sur le poste de travail, majoritairement de type PC sous Windows, une informatique centralisée et confinée derrière le pare-feu de l'entreprise) ;
- le problème de la pérennité des données et des services web, en particulier lors de l'utilisation de fournisseurs d'applications hébergées.

Il ne manque aujourd'hui à Google plus guère qu'un service de téléconférence pour avoir une palette complète d'outils de bureautique de base leur permettant de concurrencer la suite Microsoft Office dans un nombre non négligeable de cas de figures (la cible visée étant les particuliers, indépendants et PME). Sans juger des qualités et des défauts de l'un ou l'autre modèle, la confirmation de l'installation de Google dans le monde des FAH (ASP en anglais) va démocratiser ce modèle, et le pérenniser.

Enfin, ça, c'est la promesse.

La réaction des utilisateurs du service SmartGroups d'Orange (qui n'est pas exactement un petit fournisseur local), montre que les gens utilisent réellement ces services et qu'il n'est pas acceptable pour eux qu'un fournisseur se désengage abruptement, ou de manière cavalière sans fournir d'alternative. Et même lors d'une migration d'application avec continuité de service, les choses ne vont pas toujours de soi et peuvent faire désordre pour certains utilisateurs avancés qui ont investi un temps considérable dans un service, générant par là même une quantité considérable de données. A l'instar de Peter Gabor avec son blog, qui se demande s'il doit se suicider ou quitter le Monde (on appréciera la subtile différence de sens qu'apporte la majuscule !).

Je vois deux logiques s'affronter aujourd'hui dans le monde du "web 2.0" : le flux et la pérennité. Pour forcir le trait, les acteurs du web actuels sont majoritairement dans une logique de flux, par opposition à une logique de traitement et de stockage de données. Google, par exemple et qui pourtant stocke une quantité considérable de données, ne fait de chiffre d'affaire que sur des flux : visites, visiteurs, publicités (eyeballs). Google ne peut se développer que par l'augmentation de ces flux. De la donnée statique (non vue, donc non associée à une publicité) n'a aucune valeur pour eux (pire, elle leur coûte de l'argent). Les utilisateurs, eux, sont dans une logique de pérennité, aussi bien d'utilisation d'un service que des données qu'ils y stockent. Hélas, n'ayant conscience principalement que des flux quand tout se passe bien, ils ne perçoivent bien souvent l'importance des données que lorsqu'une défaillance surgit !

Flux et pérennité sont-ils antinomiques ? Ma foi, dans un monde où les fleuves se tarissent et les glaciers fondent, on aurait tendance à le croire. Et pourtant ces deux notions ne sont aucunement incompatibles. J'espère qu'elles seront toutes deux dans les fondations du web 3.0.

Pour ceux qui veulent approfondir la réflexion, je conseille de creuser l'importance des formats ouverts, une autre des fondations indispensables à un développement pérenne du web.