Du désir sexuel

Celui qui croit que le désir sexuel est désir d'orgasme (lequel abolit provisoirement le désir) n'a pas compris ce qui fait la richesse et le plaisir de nos vies érotiques. S'il ne s'agissait que d'aller à l'orgasme par le plus court chemin, la masturbation suffirait et serait plus efficace. Mais qui voudrait s'en contenter ? L'érotisme, c'est tout le contraire. Non pas aller au plaisir par le plus court chemin, mais prendre plaisir au chemin lui-même, et tant mieux s'il est long ! Non pas abolir le désir, mais le cultiver, le développer, le faire durer et renaître. C'est ce qu'on appelle faire l'amour, non ? Ce que nous vivons, dans l'acte d'amour, c'est précisément un acte : ce n'est ni un état ni un avoir, mais la joie du désir en acte, redoublé par le désir de l'autre. Il s'agit moins de transformer le désir en plaisir que de jouir du désir lui-même. C'est une leçon, pour toute notre existence.

André Comte-Sponville,
dans La plus belle histoire du bonheur, Seuil, «Points», pp. 159-160.

Ca rejoint bien ma propre conception de la chose.