De la liberté

Je comprends mieux pourquoi, à une époque où il aurait été concevable que je postule comme d'autres à des fonctions de responsabilités politiques au sens large, je me suis toujours abstenu, comme si j'avais une claire conscience de ce qui me les interdirait dans le monde judiciaire tel qu'il était. Dans le parcours de Laurent Le Mesle, je suis frappé de constater à quel point la force des amitiés et des solidarités professionnelles a créé sa carrière et aidé celle d'autres qui lui étaient proches. Il y a un grégarisme, une sociabilité, une volonté d'appartenance et des réseaux même honorables auxquels ma nature m'a toujours rendu inapte. Une solitude donc qui m'a offert la liberté mais donné une réputation d'imprévisibilité. Or l'autorité, et l'autorité politique en particulier, n'aime rien tant que les certitudes qu'offre un caractère à la fois stimulant sans être dérangeant et respectueux par principe. Il y a une période de la vie où on désire ce qu'on ne peut pas obtenir ou qu'on ne veut pas vous donner. Il y en a une autre où on aime ce que le sort et votre caractère vous ont fait devenir.

L'Etat de droite ? Une plaidoirie de Philippe Bilger, à contre-courant mais avec coup de pied de l'âne, sur la nomination de Laurent Le Mesle au poste de procureur général de la cour d'appel de Paris. J'ai souligné le passage qui m'a le plus particulièrement parlé, parce qu'il est d'une part le coup pied de l'âne dans ce qui est autrement une bonne défense, mais aussi parce qu'il résonne fortement personnellement. J'ai claqué la porte du labo du CNRS à Nancy quand mon directeur de thèse, Jean-Claude André, m'a dit, en tombant le masque, "tu n'es pas manipulable".

La liberté, tout comme le temps, est un luxe inestimable dont, paradoxe de la vie, il faut pourtant payer le prix régulièrement.