La directive sur la brevetabilité des logiciels renvoyée devant le parlement européen

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Le bras de fer contre le lobby du brevet logiciel a finalement tourné en leur défaveur, la commission parlementaire JURI a voté à une écrasante majorité pour le ré-examen devant le parlement de la directive contestée. Je vous invite à lire le discours de Michel Rocard, qui a convaincu ses collègues de forcer la Commission à cesser de jouer au chat et à la souris avec un texte fumeux dont le parlement européen ne veut pas mais que le commissionnaire McCreevy a cru, jusqu'au bout, pouvoir faire passer en force à deux conseils des ministres européens de... la pèche ! Les questions de M. Rocard à la Commission sont autant de claques contre celle-ci, et un rappel de l'importance d'un équilibre du pouvoir avec le parlement européen :

1 - La Commission va-t-elle se convaincre que son texte actuel ne passera plus, et suggérer au Conseil des Ministres de remettre en chantier la rédaction de cette deuxième version ?

2 - La Commission peut- elle nous expliquer en quoi les suggestions du Parlement sont non pertinentes à ses yeux ?

3 - La Commission continue-t-elle à dénier que le texte qu'elle a soumis au Conseil ouvre la possibilité de breveter tout logiciel ? Que fait elle alors des résultats de l'audition organisée par le Gouvernement Polonais en novembre 2004, où tous les industriels présents concluaient au contraire ?

4 - Comment la Commission concilie-t-elle la position de ceux des défenseurs de son second texte qui disent qu'il se borne à codifier la pratique de l'Office Européen des brevets, avec celle de ceux qui affirment qu'il ne permet pas la brevetabilité des logiciels ?

5 - La Commission entend elle valider les milliers de brevets OEB qui concernent l'organisation des mémoires d'ordinateur, ou les méthodes commerciales et potentiellement des méthodes pédagogique ou chirurgicales ?

6 - La Commission peut elle admettre que la définition de ce qui est "technique" par "l'emploi de moyens techniques" est parfaitement tautologique et ne peut suffire à distinguer ce qui est brevetable de ce qui ne l'est pas ?

7 - Si aux yeux de la Commission la référence à la mise en oeuvre des forces de la nature (énergie, matière) n'est pas pertinente pour constituer la base de cette distinction, peut-elle nous en proposer une autre, puisque l'objet principal de notre travail de législateurs est justement d'en proposer une ?

8 - Enfin la Commission ne considère-t-elle pas qu'il serait temps qu'elle retire son projet, et se prépare à en faire complètement un nouveau ?

Mais, surtout, M. Rocard pointe la position unique de l'Europe sur ce sujet, et l'influence qu'elle peut avoir sur les Etat-Unis (je souligne) :

La brevetabilité des logiciels pose problème. Nos amis américains n'ont pas de législation sur le sujet. Leurs agences responsables semblent avoir accordé entre 100 et 200 000 brevets de l'espèce, validés par des tribunaux de base dans certains cas. Quelques plaintes sont en attente devant la Cour Suprême, pour viol de la Constitution ce qui est pénalement très coûteux. Viol de la Constitution puisqu'il y a viol de la liberté de circulation des idées, un logiciel n'étant après tout qu'une formule ou un ensemble de formules mathématiques, et qu'une formule mathématique est une idée exprimée sous forme mathématique ; il semble bien que la Cour Suprême attende la production du droit européen pour se décider. Nous sommes donc en quelque sorte chargés de faire le droit du monde. Il faut rappeler que l'enjeu est principalement de préserver la liberté de création et d'usage de logiciels par les chercheurs individuels et les PME.

Espérons que le Parlement européen saura se tenir à sa position précédente, c'es-à-dire contre le brevet logiciel.