Obsessionnels contre hystériques

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Selon Gérard Pavy, les dirigeants sont des obsessionnels, les salariés des hystériques. Un article très intéressant, qui résonne beaucoup (trop) avec mon expérience personnelle. Cependant je suis réservé sur sa conclusion (je souligne) :

Bien souvent, la direction générale prône des valeurs de transparence, d'esprit d'équipe et d'intégrité... alors que, dans les faits, elle est loin d'en être le serviteur exemplaire.

Nous y sommes. Les salariés ne sont pas moins motivés qu'avant et la valeur travail a encore de beaux jours devant elle. Le problème clé est celui de la confiance. Connaît-on une aggravation du phénomène depuis quelques années ? Certainement. De nombreux prophètes annoncent régulièrement la fin des structures tayloriennes cloisonnées sous la pression du client-roi, et leur remplacement par des organisations intelligentes, coordonnant des compétences pointues reliées en réseau.

Que constate-t-on, au contraire ? La victoire du client se traduit par un renforcement de l'organisation par processus, et donc de la bureaucratie. La mise sous tension des activités, la réduction des délais, le flux tendu, l'exploitation des synergies, le respect de standards de qualité : tout ceci s'accompagne d'une centralisation des décisions et d'une réduction des marges de manœuvre des individus, cadres ou salariés. Ces derniers, ayant toujours plus le sentiment d'être de simples exécutants, optent pour un comportement de retrait que les sondages mentionnés au début ne font que révéler. CQFD.

La confiance ne brille vraiment que sous les feux de l'intérêt général. La préservation de ce dernier nécessite un double effort. Le management trouvera dans la fierté que chaque salarié tire de sa contribution au produit ou au service un levier pour faire vivre les valeurs fondatrices de l'entreprise. Si, parallèlement, cadres et salariés modèrent leur quête de transparence, il y a des chances pour que chacun trouve des voies de satisfaction dans le travail.

Je doute que cadres et salariés puissent modérer leur quête de transparence dans les entreprises où la direction générale a cultivé le culte du secret à la limite de l'autisme. Pour préciser ma pensée, je doute fort qu'on puisse espérer que les cadres qui n'adhèrent pas au vieil adage qui veut qu'une bonne information est une information qu'on garde pour soi (ce qui est, je pense, une des grosses différences entre générations) modèrent un tant soit peu cette soif de transparence. J'ai rarement autant apprécié une valeur dans une culture d'entreprise que celle qui veut qu'on fait ce qu'on dit et qu'on dit ce qu'on fait.

Je suis toujours effaré de voir le gouffre qui existe entre des grands patrons bons communicants sinon charismatiques et d'autres dont la maladresse voire la haine pour la communication est palpable. Voilà encore une raison pour laquelle je pense que l'émergence des weblogues en entreprise sera très fructueuse pour certains et l'équivalent d'une étincelle dans un réservoir d'essence pour d'autres.