Les machines à voter Nedap Powervote mises à l'index en Irlande

Selon The Register, le gouvernement irlandais va probablement abandonner les machines à voter pour les élections européennes de juin prochain. Dans un rapport indépendant, commandé par le premier ministre irlandais, la commission chargée du vote électronique recommande de ne pas utiliser les machines à voter car la constante modification de leur logiciel empêche qu'elles soient testées à temps.

On notera avec intérêt que le gouvernement irlandais a dépensé 40 millions d'euros dans la tentative, entamée il y a deux ans, de vendre l'idée du vote électronique au grand public, et que les machines choisies sont de type Nedap Powervote, les mêmes que celles homologuées par le ministère de l'intérieur et imposées à Brest lors des élections de mars 2004.

La commission précise qu'elle n'a pas démontré que le système ne fonctionnait pas mais qu'il ne lui a pas été prouvé à l'heure actuelle que le système pouvait fonctionner dans des conditions satisfaisantes. Elle estime, selon ses termes, "ne pas être en mesure de recommander avec la confidence nécessaire l'utilisation du système choisi lors des élections de juin 2004". Elle reconnaît qu'il est plus facile de trouver des arguments contre que pour l'utilisation des machines à voter, mais affirme être en position d'effectuer une recommandation négative.

Les deux principaux griefs établis par la commission contre les machines Nedap Powervote portent sur la fiabilité et la confidentialité de ces systèmes. Les raisons avancées sont :

Tests du système
Les tests du système effectués à ce jour sont insuffisants pour établir sa fiabilité dans le cadre des élections de juin
Versions du logiciel
Il est matériellement impossible de procéder à un test complet de la dernière version du logiciel avant qu'elle ne soit utilisée dans les élections de juin, ladite version n'étant par ailleurs actuellement pas disponible pour effectuer le test
Code source
La commission n'a pas pu accéder au code source du logiciel et il n'est matériellement pas possible avant les élections de pratiquer une revue complète de la version finale du logiciel, revue qui serait nécessaire avant que ce logiciel puisse être utilisé dans les élections de juin
Fiabilité
La version du logiciel proposé pour les prochaines élections étant inconnue, il est impossible à quiconque d'en certifier la fiabilité
Confidentialité
La machine émet un "bip" lorsque les préférences sont sélectionnées; la publication des résultats en clair peut permettre à des électeurs de s'identifier dans un contexte de corruption ou d'intimidation; il peut être possible pour un intrus de contourner l'aspect aléatoire de la méthode de stockage des votes dans le module électoral

La commission n'a pas publié ses travaux dans le détail parce qu'un avis juridique le lui a déconseillé tant qu'elle n'est pas protégée par un statut légal. On peut se douter que les avocats de Nedap sont à l'affut de la moindre faille de raisonnement pour attaquer, mais là j'attends avec impatience l'irruption d'intérêts privés (et les méthodes qui vont avec) dans une chose aussi publique, et jusqu'à présent transparente, que le déroulement d'un scrutin démocratique.

Au vu des réactions à mes deux billets précédents (le scandale du vote électronique et halte au vote électronique), je doute fort que notre administration (car cette décision de nous imposer la machine à voter est purement technocratique) ait eu le courage de faire ce que vient de faire le premier ministre irlandais, pourtant partisan de la méthode. Je suis atterré par la faiblesse des arguments des rares zélotes de l'expérience brestoise qui relèvent d'une pure logique comptable (moins de personnel mobilisé et réduction du nombre de bureaux de vote, avec la conséquence peu appréciée des électeurs de files d'attentes exceptionnelles) et d'un aveuglement affligeant devant la procédure administrative employée et l'homologation délivrée par Veritas (dont les habitants de Furiani connaissent la relative fiabilité de jugement).

Je le répète, le vote dans une démocratie est une chose trop importante pour laisser une administration et des intérêts privés jouer avec, et tout porte à croire qu'ils ne maîtrisent absolument pas leur sujet. Tant que les machines à voter n'offriront pas, de manière irréfutable, de meilleures garanties de fiabilité et de confidentialité que le mode de scrutin manuel en vigueur actuellement en France, j'estime qu'il faut les refuser. Et ce, d'autant plus que l'état de l'art le permet.