LEN, réponses de députés

Jean Dionis du Séjour, rapporteur de la LEN, répond aux courriels de réaction sur le projet de loi. Lecture rapide.

M. Dionis se place derrière la directive sur le commerce électronique pour justifier des mesures de surveillance et de filtrage des contenus. Il rappelle que ces dispositions « n’affecte [sic] pas la possibilité, pour une juridiction ou une autorité administrative (…) d’exiger du prestataire qu’il mette un terme à une violation ou qu’il prévienne une violation et n’affecte pas non plus la possibilité pour les Etats membres d’instaurer des procédures régissant le retrait de ces informations ou les actions pour en rendre l’accès impossible ».

Je lis bien : pour une juridiction ou une autorité administrative, on est loin du mécanisme proposé par les députés, à savoir le jugement d'un prestataire technique dont le chemin de moindre résistance (entendre de moindre responsabilité, ou de moindre emmerdement, au choix), passera par l'exécution systématique de toute demande de retrait. En effet, d'une part son seul risque est de ne pas accéder favorablement à une demande de retrait, si le contenu en question s'avérait illicite a posteriori. D'autre part, il ne risque rien à retirer des contenus de manière arbitraire puisque seul le demandeur peut voir sa responsabilité engagée en cas de demande abusive. CQFD. Vous avez dit liberticide ?

M. Dionis justifie l'ajout par l'Assemblée, en première lecture puis en seconde lecture après son retrait par le Sénat, de l'obligation de surveillance des contenus, par une interprétation différente de la directive, qui serait erronée dans le cas des sénateurs. Je n'ai plus la source au moment d'écrire ces lignes, mais il me semble avoir vu rapporté que la Commission considère que l'obligation de surveillance telle qu'envisagée par nos députés, serait effectivement contraire à l'esprit de la directive, ce qui contredirait totalement l'interprétation des députés (voir également plus loin, sur le pré-requis d'une surveillance systématique).

M. Dionis répond par ailleurs aux inquiétudes concernant le caractère confidentiel du courrier électronique. Ses arguments ne changent pas ma dernière analyse, à savoir que la définition ainsi faite n'est pas contestable en soit, mais que son caractère générique et la création d'un corpus juridique dédié à la communication en ligne ouvre la voie à toutes sortes d'interprétations nouvelles sur lesquelles il faudra rester très vigilant devant le comportement prédateur de certains lobbies qui aimeraient bien y fourrer le nez (industrie du disque, MEDEF).

Archiguy publie la réponse de son député (Jean Pierre Gorges
) à la lettre type d'Odebi qu'il lui avait envoyé par courriel. Morceaux choisis :

Conformément à cette directive, le projet de loi n'instaure pas une obligation générale de surveillance des contenus, qui serait techniquement impossible, mais une simple obligation de moyens. La responsabilité de l' hébergeur est limitée. Elle ne peut être engagée que s'il a eu connaissance du caractère illicite des informations diffusées et n'a rien fait, compte tenu de l'état de l'art, pour y mettre un terme.

J'aimerais qu'on m'explique comment l'on pourrait, pour identifier a priori des contenus spécifiques, ne pas effectuer une surveillance générale des contenus. Et qui va juger de l'état de l'art ? C'est stupide et effectivement contraire à l'esprit de la directive.

Les sites internet et les internautes se comptent aujourd'hui par millions, ce qui nécessite aussi d'adapter les procédures.

Le nombre de citoyens français se compte depuis longtemps par dizaines de millions et le nombre d'étrangers susceptibles d'enfreindre nos lois nationales en milliards. Piètre excuse.

[L]a responsabilité de l'hébergeur sera engagée sous le contrôle du juge, à la fois pour sanctionner les défaillances de l'hébergeur, s'il manque à son devoir de retrait, mais aussi pour assurer sa protection, s'il est confronté à une demande abusive de retrait de la part d'un internaute.

Quid de la protection de l'éditeur de contenu qui est confronté à une demande abusive de retrait d'un de ses contenus ? Cette loi instaure une procédure de justice privée, expéditive, basée sur un principe de présomption de culpabilité des éditeurs, lesquels devront se pourvoir eux-mêmes en justice afin de prouver leur innocence !

[C]e dispositif poursuit un objectif qu'aucun d'entre nous ne saurait contester : celui de faire cesser des contenus dont la diffusion est constitutive d'infractions particulièrement odieuses, qu'il s'agisse de l'apologie de crimes de guerre, d'incitation à la haine raciale ou de pédophilie.

Sauf que cet épouvantail qui est systématiquement brandi masque mal l'étendue réelle des contenus qui sont préjugés illicites. Pourquoi les députés sont-ils silencieux sur le reste et les dérives qui ne manqueront pas d'apparaître dès lors que les entreprises auront prise directe sur les hébergeurs au prétexte d'atteinte à leur propriété (marques, image, réputation, etc.) ?

[L]e régime de responsabilité limitée des prestataires techniques que le projet de loi met en place, me parait ajusté à l'échelle des sources potentielles de différends, dans la mesure où il permet de régler des situations dans l'instant, sous le contrôle a posteriori du juge.

Lequel n'est, semble-t-il, pas du tout submergé d'affaires liées à la publication de contenus en ligne. C'est un jugement de défiance tout en a priori ("sources potentielles de différends"), autant pour la confiance dans l'économie numérique, n'est-ce pas ?

Il faut que je mette à jour les instructions de la Google Bomb, pour répondre à un certain nombre de questions, et signaler qu'il vaut mieux placer le lien sur la page d'accueil d'un site plutôt que dans un billet, naturellement condamné à être archivé de par la nature périodique des weblogues. Ne baissons pas les bras.