Astérix et Obélix en Amérique - la Nouvelle France

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Rappel de l'épisode précédent : nous avons pris le bus pour nous rendre de Boston à Montréal, où nous sommes arrivés le 19/9 vers 1h30 du matin à la gare centrale (station UQAM). Nous avons bien marché une vingtaine de minutes à travers les trottoirs défoncés de la rue Sainte Catherine pour rejoindre l'hôtel, en y croisant presqu'autant de SDF qu'en une traversée de Paris. On avait un petit creux en arrivant, Philippe a pris un club sandwich pas terrible (le restaurant s'appelle pourtant le "Club Sandwich") et moi une salade de fruits qui m'est arrivée avec des cacahuètes et de la salade ! Comme je ne suis pas un adepte de ce cliché anglo-saxon de la "première impression", je me suis endormi sans préjuger de la suite.

Nous avons consacré les quatre jours suivants à notre sport favori : parcourir la ville à pied, en long en large et en travers. Enfin, pas trop en travers parce que Montréal est comme toutes ces villes américaines modernes, c'est carré. Les rues sont divisées en deux selon les points cardinaux, nord-sud ou est-ouest, et la numérotation augmente selon qu'on s'éloigne du centre. Pratique pour revenir au centre, mais quand on vous donne une adresse, il vaut mieux ne pas oublier la direction ! On s'y fait très vite et, une fois les principaux axes mémorisés, c'est enfantin. Malgré cette "efficience" toute américaine, je reste amoureux des rues sinueuses et torturées de Paris, où l'on peut partir par deux chemins perpendiculaires, aller toujours tout droit et arriver au même endroit (comment perdre un américain dans la ville :-) ! L'architecture de Montréal est assez diverse, avec encore ce mélange d'immeubles anciens et modernes qui m'étonne toujours (Philippe dit que ça lui fait penser à une fusion entre Amiens et New York), mais avec toutefois des quartiers et leur style propre.

Le 22, nous sommes partis en voiture vers Québec. Les Montréalais nous avaient prévenu, ce "charmant village" est vraiment le coeur de la Nouvelle France. La ville m'a un peu fait penser à Saint-Malo (ou le Mont Saint-Michel pour Philippe à cause du quartier hyper touristique et inintéressant du port). Les rues du centre historique sont tordues à souhait, on voit que les français sont arrivés avant les américains ;-). Un détail m'a fait dire que les Québécois ont le sens de l'humour noir : le buste de Louis XIV tourne le dos à Notre-Dame des Victoires. En deux jours, on avait expédié Québec et ses musées. Au passage, il est difficile de repartir sans se demander ce que serait le monde si les français l'avaient emporté sur les anglais. La question est omniprésente dans les expositions mais, en même temps, on ressort avec un certain malaise devant une présentation historique très polarisée où la présentation de l'envahisseur anglais, responsable de tous les maux, frôle de temps en temps la caricature (par exemple au Musée de la Civilisation, si les populations indigènes ont pratiquement disparues et sont aujourd'hui "parquées", c'est uniquement la faute des anglais, puis des américains). Une note pour ceux qui supportent difficilement la chanson française : évitez les restaurants de Québec comme la peste. Je crois que nous nous sommes tapés la B.O. d'Amélie Poulain en entier au moins trois fois, ainsi que fais dodo Cola mon p'tit frère parmi un répertoire fort heureusement oublié chez nous, même par Radio Nostalgie (allez, je tire quand-même mon chapeau aux efforts déployés ici pour sauvegarder une langue en péril permanent).

Le 24, nous sommes retournés à Montréal pour encore trois jours. Comme je l'avais écrit à chaud, Montréal m’a fait l’effet d’une ville qui ne se donne pas au premier venu, dont le charme n’apparaît qu’après quelques jours à qui veut bien la découvrir. Nous avions vraiment envie de l'explorer encore. Karl nous a donné cette belle interprétation, qui sent le vécu, de la ville comme un être humain, avec ses côtés propres et ses côtés sales. Et le même Karl, toujours lyrique et très nature, de nous expliquer les mues saisonnières des montréalais qui se transforment en bonhommes Michelin l'hiver, dans des tenues dont l'efficacité ne le dispute qu'à la laideur, et qui, au premier rayon de soleil après le dégel, sortent pratiquement à poil, partout, comme dans une explosion sexuelle géante.

Je ne suis pas certain d'aimer Montréal encore (il faudrait y passer au moins l'hiver sinon un an pour savoir), mais j'aime son ambiance et ses habitants. La langue et la culture, la tempérance et l'accueil des gens, l'efficacité et l'organisation me font rêver à une utopique société qui ne garderait que les meilleurs aspects des cultures françaises et anglo-saxonnes, qu'on oppose plus souvent qu'on ne les marrie. Je garderai cette citation, glanée sur la statue de Jacques Cartier au pied du Mont-Royal : "les Québécois sont faits pour être un peuple libre, et la loi est là pour protéger leurs libertés". Une vision bien différente de celle qui prône que la liberté, c'est l'absence de loi ! (Karl a aussi son mot là dessus, la liberté de l'un est l'oppression de l'autre).

Nous avons aussi eu le plaisir de retrouver des têtes connues et d'en découvrir de nouvelles, que j'espère sincèrement revoir ici ou là. Je pense notamment à Laurent, qui travaille à l'ONF et qui est le réalisateur du film Quand l'amour est gai (un beau film, qui en a choqué quelques uns au Québec et qui n'a pas été diffusé en France) dont j'ai imité l'affiche, et à Louis, président des Archives Gaies du Québec et qui fait un travail fantastique dont la portée intellectuelle, malheureusement, échappera encore longtemps aux parasites égoïstes qui prétendent régenter la mémoire gaie à Paris (mais je m'égare un peu, là).

Le 27, nous sommes partis pour Toronto, Ontario. Ce sera l'objet du prochain épisode.