Prud'homales 2008 : le vote électronique m'a tuer

Pour la première fois, je ne voterai pas aux élections prud'homales. A cause du vote électronique par internet.

Le vote électronique reste un pur scandale, de par sa fiabilité plus que douteuse et son manque total de sécurité et de transparence. Et je ne parle pas seulement de l'opacité de la technologie, elle n'a rien à envier à celle du ministère de l'intérieur. Le vote par internet est, en comparaison, une vaste bouffonnerie. Or, par des expérimentations à grande échelle, comme les élections Prud'homales 2008, c'est bien ce que le gouvernement tente de légitimer.

Le 19 novembre à 9h, les électeurs parisiens pourront voter par internet pour leurs conseillers Prud'homaux. Voici à quoi se résume la confidentialité de leur vote sur le site officiel :

Important : Le vote est un acte personnel - Isolez-vous pour voter

En d'autres termes, démerdez-vous seul(e) pour assurer que vous pourrez voter librement. Pour les plus entreprenants, vous avez une voie royale pour monnayer votre vote. Ou forcer celui de vos collègues. Il est en effet bien connu que le monde du travail, et celui des syndicats en particulier, est le terreau idéal de l'expression démocratique[1]. Et le tout, s'ajoutant aux problèmes inhérents au vote électronique — fiabilité et sécurité douteuses, piratage, manque total de transparence. Avec un ordinateur de vote, rien en vous permet de vous assurer par vous-même que le scrutin se déroule de manière sincère. Avec ce vote par internet, totalement ouvert à la fraude et aux pressions, tout vous permet de penser qu'il sera détourné, c'est la nature humaine !

Et voici comment, sous couvert (officiellement) d'augmenter la participation, on compromet insidieusement mais gravement la démocratie. Ne vous y trompez pas, ces expérimentations — et dans une autre mesure l'absence de dysfonctionnements majeurs et apparents des ordinateurs de vote lors de l'élection présidentielle américaine — contribuent à légitimer ces formes de vote au détriment du scrutin papier opéré et vérifiable par l'électeur. Ne faisons rien, et dans quelques années, nous voterons par SMS. Rien de mieux pour éliminer le maillon faible : l'électeur !


Qui contrôle les ordinateurs de vote ?


Actuellement signatures ! Faites connaître notre pétition (bannières, envoi de courriels à vos amis...) version papier à imprimer depuis le site et à faire signer par les non-internautes.

P.S. Et je n'ai fait qu'effleurer les problèmes. Je vous invite vivement à lire cette analyse des vulnérabilités de trois modes de vote à distance (PDF) faite par Chantal Enguehard, chercheur au Laboratoire d'Informatique Nantes Atlantique. Sa conclusion est édifiante, il est impossible de faire confiance à une élection de ce type :

Le vote par internet présente de multiples vulnérabilités correspondant au pire des cas : elles sont invisibles et peuvent affecter un grand nombre de votes ; les fraudes peuvent être commises par un petit nombre de personnes et ne nécessitent pas de matériel coûteux.

Ces vulnérabilités apparaissent à différentes étapes de la procédure de vote : chez l'électeur, lors de l'acheminement des votes ou encore lors du dépouillement.

[...]

Il apparaît que la dématérialisation et la conversion des informations inhérentes à tout traitement informatique plonge le processus de vote dans un univers nouveau où les règles de la physique ordinaire ne s'appliquent plus. L'impossible devient possible (modifier des milliers de vote en un instant) alors que le possible si quotidien se transforme en une trompeuse illusion. Par exemple, dans le monde réel le simple brassage des enveloppes du vote par correspondance tranche définitivement les liens entre votes et électeurs. Dans l'univers virtuel, il n'existe aucun moyen de toujours réaliser cette opération sans faillir : des fichiers peuvent avoir été copiés, des informations mal effacées, etc.

En France, la Commission Nationale Informatique et Liberté exige des gestions séparées des émargements et des votes mais semble ignorer que cette séparation n'est pas de nature à interdir les atteintes au secret du vote. De même, la Commission Européenne définit la transparence comme la possibilité de vérifier le fonctionnement correct du système de vote, ce qui reste une tâche impossible comme nous l'avons précédemment démontré. Ou encore elle recommande que l'électeur puisse obtenir confirmation de son vote et le corriger alors que cette possibilité oblige à garder un lien entre vote et électeur, fragilisant ainsi le secret de l'anonymat. Ces tentatives balbutiantes de concilier anonymat, protection du vote et dématérialisation montrent bien que le passage au vote électronique pose des problèmes originaux, particuliers, révélant des contradictions et des résistances surprenantes.

« The clear consensus of computer-science experts around the world who have studied these issues is that Internet elections cannot be trusted, for all the reasons that I have explained: the voters and political parties cannot audit the operation of the software and hardware that serves as the real bureau de vote. Therefore it is not clear to me how the assesseurs can sign anything but a surrealist image of a true procès-verbal. »

P.S. 2 : et s'ajoutent à ça des problèmes d'accessibilité et d'ergonomie dans le travail du prestataire informatique (ou de compétences techniques ?).

P.S. 3 : autres lectures utiles :
- Vote par Internet aux prud’homales : confiance décrétée contre saine défiance chez Ordinateurs-de-vote.org
- Prud'homales: la CGT s'estime lésée par un bug du vote par internet

[1]Ce week-end, une amie me rappelait cette belle conception gauchiste de l'expression individuelle par le syndicat du Livre dans son établissement public : « Comment ça un vote à bulletin secret ? On est tous des camarades ! » et de m'apprendre qu'il n'y a jamais d'isoloirs chez eux car « Tout le monde assume son vote ». Le mode "petit doigt sur la couture du pantalon" n'est pas mieux à d'autres endroits du spectre syndical et politique.