Suis-je un buzzer ?

Préambule : j'avais commencé à rédiger ce billet puis l'avais remisé en me disant que ça ne valait pas la peine d'en parler. Et puis ce matin, j'ai lu ces trois exemples de buzz marketing rigolos dont le premier, celui de la fausse complicité, m'a décidé à le terminer et le publier.

Après je ne suis pas un journaliste, une jeune pousse qui veut de la publicité gratuite sur mon blog m'offre l'occasion d'explorer un poil le buzz marketing (je me réjouissais chez Laurent à l'idée d'avoir échappé à ceux-là, ma joie a été de courte durée).

Avant d'examiner l'objet du délit, non, je n'ai pas fait de faute d'orthographe dans le titre. Un buzzer est un composant électronique, généralement moche et bon marché, dont la seule fonction consiste à vous vriller les oreilles, de préférence de la manière la plus désagréable possible puisque la plupart du temps il s'agit de vous rappeler à quelque dure réalité (réveil, alarme, erreur, etc.). J'aurais voulu titrer ce billet « je ne suis pas un buzzeur » mais ce serait inexact, je participe plus ou moins volontairement au « buzz » ambiant, ne serait-ce qu'en me servant de ce blog pour y publier ce qui attire mon attention dans ma veille sur différents sujets.

Je ne suis pas un buzzer au sens où il suffirait d'appuyer avec désinvolture sur quelque bouton réputé facile (l'ego, au hasard) pour que je me mette à chanter hurler votre message à tous vents. Je peux être un buzzer au sens où il suffit de me donner un bon exemple de mauvaise pratique pour que j'en parle (au moins, vous servez à quelque chose, restons positifs). Par exemple, examinons la pièce à conviction suivante :

Salut François,

Je viens de découvrir ton blog et je dois dire que je l’ai beaucoup aimé. C’est complet, clair. On y trouve des infos très intéressantes (comme le post sur Second Life) Enfin je n’ai qu’une chose à dire : BRAVO

[Le tutoiement et la ponctuation commencent déjà à m'énerver, mais ça démarre plutôt bien.]

Ca m’a donné envie de te contacter. D’après ce que j’ai pu voir, tu aimes l'informatique (cf rubrique Informatique, Web, …). Ca tombe, moi je bosse dans une petite start-up qui a tout d'une grande boite. On espère être les futurs "Bill Gates" français :). Enfin pour ça on a besoin de se faire connaître et d'un coup de pouce.

[Aïe, "ça tombe" en effet, à plat. Une start-up qui a tout d'une grande et qui se prend pour Bill Gates, quelle prétention et quelle référence éculée !]

Notre truc, c'est la télésauvegarde. Et on ne se débrouille pas trop mal. Notre logiciel (et notre service associé) a reconnu par les professionnels et journalistes comme l'un des meilleurs sur le plan technique (Windows News, L'entreprise et Windows XP nous ont classé 1er. Ce qui n'est pas rien :)). Autrement dit, les entreprises, artistes, particuliers…nous confient leurs données informatiques comme ça s’ils ont un problème, nous sommes là pour leur restituer.

[OK, c'est du 100% Windows, il ne faut pas être grand clair pour deviner à la lecture de mon blog que je suis orienté Mac OS, Unix et standards, et que la monoculture Microsoft ne m'intéresse pas.]

Seul problème, comme je te l'ai dit, on est jeune et nous n’avons pas beaucoup de moyens. La pub, c'est pas vraiment pour nous (bien qu'on est réussi à être sur BFM quelques jours :))

[L'abondance de fautes et de smileys m'énerve, c'est pas un skyblog ici !]

Conclusion logique à tout ça : Nous ne sommes pas encore très connu et la télésauvegarde non plus.

[Que vous ne soyez pas connus, vu la méthode de communication, oui ça semble logique. La télésauvegarde par contre, c'est connu, je pratique depuis des années.]

Alors voilà, je me suis dit que pour un passionné d'informatique (et pour ta rubrique SECURITE), tester la télésauvegarde puis écrire un petit texte dessus afin de la faire découvrir à ces "visiteurs" (et nous par la même occasion), ça pouvait être intéressant.

[J'ai une rubrique Sécurité moi ? Première nouvelle, c'est là que je m'étais dit que ça sentait le copier/coller, sentiment confirmé par la lecture du billet de Versac, on a affaire à une campagne de sollicitation marketing faussement personnalisée.]

Si l'idée te plait, contacte moi ou va sur notre site pour t'inscrire et tester (je te rassure c’est complètement gratuit). En pièce jointe tu trouveras les visuels de notre logiciel

Maud
http//:www.xxxxx.com

[Non seulement la dame ne sait pas écrire le français, mais elle n'est pas non plus capable de faire un lien qui fonctionne correctement vers son site web, intéressant pour une responsable "Com & Mark." d'une start-up qui prétend être le prochain Bill Gates.]

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Maud G
Resp. Com & Mark.
LD : xx xx xx xx xx
maud@xxxxx.com
www.xxxxx.com

Suivent, accrochez-vous, 889 KO (!) de pièces-jointes avec la photo de la dame et les visuels des produits dont je n'ai que faire.

Bref, du grand n'importe quoi, ni fait ni à faire. Quels sont les points à retenir ?
  • La personnalisation : si vous voulez un contact personnel, faites vos devoirs ! Trouvez réellement l'angle d'approche qui montre que vous avez lu le blog et pas un ou deux billets en surface. Il n'y a rien de pire, ni de plus facile à détecter, que la fausseté en la matière, que l'hypocrisie d'un "j'aime beaucoup ce que vous faites" lancé à un inconnu dans l'espoir de lui soutirer ensuite une faveur. Vous ne savez pas faire ? Faites-un message générique mais ne vous en cachez pas, ne le déguisez pas sous des couverts de courrier personnel, surtout si vous commettez l'erreur d'envoyer le même texte à plusieurs blogueurs qui se connaissent et peuvent le republier comme Versac et moi (là c'est franchement manquer de bon sens élémentaire, non ?).
  • Le tutoiement : c'est tout un art. Pour ma part, autant je n'ai aucun mal à accepter le tutoiement de la part d'inconnus quand les circonstances s'y prêtent (par exemple des blogueurs lors de réunions Paris Carnet, ou mes lecteurs commentateurs ici), autant ça me hérisse de me faire tutoyer par une responsable marketing que je ne connais ni des lèvres ni des dents et qui cherche de la publicité gratuite, donc un service commercial de ma part. Comme dit Laurent, on n'a pas gardé les cochons ensemble.
  • L'écriture : ça devrait pourtant être évident, mais savoir écrire en bon français sans faire de fautes de ponctuation, d'orthographe et de grammaire à chaque ligne est un minimum. Personne n'est à l'abri d'une faute de frappe ou d'une erreur, mais on peut se faire relire, et un tel florilège pour une responsable de communication et marketing relève de la faute professionnelle.
  • L'originalité : là aussi, c'est un peu du B-A-BA de marketing et de communication. J'ai beau creuser, il n'y a pas un pet d'originalité dans le message ci-dessus, la comparaison avec Bill Gates étant le "truc qui tue". J'ai reçu des spams plus intéressants que celui-là. Quand je n'ai rien à dire, je ne publie pas, je ne vais pas me mettre à faire de la publicité gratuite pour des trucs sans intérêt !
J'ai le sentiment qu'il y a trois types de blogueurs pour le buzz :
  1. les buzzers, ceux dont il suffit de trouver le bouton et d'appuyer pour qu'ils republient ce que vous voulez. Ils sont légions, souvent pas originaux (copier/coller oblige), très perles et paillettes, avides de faveurs et de cadeaux, avec l'audience qui va avec; Sur leur blog on a l'impression de lire les pages de pub de Metro ou de 20 Minutes ;
  2. les buzzeurs, ceux qui sélectionnent en fonction d'une ligne éditoriale et de leur audience (les deux sont liés), participent à des programmes du genre BuzzParadise ou PublicIdées, avec une approche plus rationnelle et souvent plus clairement intéressée (on n'a rien sans rien). On oscille entre le publi-reportage et la rubrique spécialisée, les meilleurs annonçant la couleur ;
  3. les veilleurs : ceux qui parleront en toute liberté de ce qui les intéresse, et le plus souvent de choses qu'ils ont dégoté eux-mêmes. Ceux-là sont les plus difficiles à cibler, car ils sont très sélectifs et il faut réussir à attirer leur attention sans s'attirer leur inimitié. Ils n'ont pas forcément une audience très nombreuse, mais je suis prêt à parier qu'on peut faire une corrélation entre leur PageRank et leur influence. Là on est dans l'éditorial, il faut du contenu, de la matière, on commence déjà à sortir des frontières classiques du simple buzz marketing.

Mon petit doigt me dit que j'aurais l'occasion de revenir sur le sujet bientôt...

P.S. Sinon, si vous cherchez de la télésauvegarde qui tiennent la route, intéressez-vous de près à ce que fait Amazon avec S3, ou bien des startups comme Joyent avec Stronspace. Eux, au moins, ne vous enferment pas dans un seul système d'exploitation et ne se prennent pas pour Microsoft. (Oui, ça s'appelle le coup de pied de l'âne ;-).)