De la viralité du net et du droit à l'oubli

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Laurent Bazin, journaliste sur la chaîne iTélé, me donne l'occasion de revenir sur quelques particularismes du web en général et des blogs en particulier : la viralité et le droit à l'oubli.

Laurent Bazin a tout d'abord commis ce que d'aucuns considèrent comme un sacrilège sur un blog : publier puis supprimer un billet. Pour ma part je pense que chacun est libre de faire ce qu'il veut de ses écrits, et votre serviteur a déjà (rarement certes) caviardé un ou deux billets postés avant d'avoir tourné sept fois sa souris autour du bouton publier. Seulement voilà, mieux vaut être rapide, car ce que le web avale, le web recrache souvent, surtout quand il suspecte l'information censurée. J'ai vu l'histoire se développer, classiquement, dans mon agrégateur, et c'est finalement chez Pointblog que je retrouve le billet republié in extenso.

Etant allé vérifier les conditions de publication du blog de Laurent Bazin, j'ai failli faire remarquer à Gilles Klein de Pointblog que l'auteur publie ses contenus sans autorisation spéciale et qu'il a ainsi enfreint le droit d'auteur (copyright), en plus de ne pas avoir respecté la volonté de l'auteur. Mais Laurent Gloaguen dit la même chose, ce qui illustre au passage une autre règle méconnue des blogs pour les paresseux : patientez un peu et quelqu'un va écrire ce que vous vouliez dire à votre place ;-). Et la déontologie n'étouffe pas certains journalistes du Nouvel Obs, qui eux ne prennent même pas la peine, comme au moins Gilles Klein l'a fait, de rappeler le contexte (on est vraiment dans le copier-coller pressé, on se demande le rapport avec du journalisme). Blogonautes rapporte également cette histoire en publiant des extraits du billet supprimé.

La leçon de cette histoire est que la capacité virale du net se fait souvent au mépris total de règles basiques comme le droit ou la volonté des auteurs (ce dont, logiquement, profitent ceux qui s'en servent sciemment). Ceci vient renforcer un autre problème qui est que le droit à l'oubli n'existe pas sur internet. J'avais déjà évoqué ce problème en août 2004 à propos du mix des dimensions personnelles et professionnelles de mes publications ici même, et j'avais eu l'occasion d'en discuter avec David Weinberger en mars dernier. Quand on sait que plus aucun recruteur qui se respecte ne sélectionne sans chercher toute trace de publication concernant un candidat sur le web, il y a de quoi réfléchir à ce que seront les méthodes de recrutement lorsque les skyblogueurs viendront en masse remplacer les papy-boomers dans les cinq prochaines années.

On pourrait écrire des thèses sur l'intérêt du droit à l'oubli sur internet. Un indice de taille : il paraît qu'il existe déjà des sociétés spécialisées dans l'effacement de vos traces sur internet. D'ici à prétendre que ce moi numérique devient plus important que l'identité réelle, certains franchissent le pas.

Cette histoire aura au moins permis à Laurent Bazin de générer un joli buzz, et d'écrire sur les notions de censure (et plutôt deux fois qu'une) et du off journalistique. Nous, nous aurons eu une belle illustration de damage control lorsqu'on s'amuse imprudemment, les uns à publier, les autres à censurer a posteriori, sur la blogosphère.

(Et moi qui disait que dans la blogosphère, personne ne vous entend crier ;-).)