Comment tuer un site avec un simple email

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Bienvenue dans l'économie numérique en toute confiance ! Ceci grâce à la directive européenne sur le commerce électronique, transcrite en France par la fameuse Loi sur la confiance dans l'economie numérique (LEN).

L'association hollandaise Bits of Freedom vient de démontrer que sur dix ISP hollandais, sept sont prêts à débrancher un site web sur la foi d'un simple email sans vérifier ni l'identité du plaignant ni la validité de sa plainte. Jugez du peu.

Bits of Freedom a ouvert un compte d'hébergement auprès de dix ISP hollandais et a posté sur chacun des sites un texte de l'auteur hollandais Multatuli, datant de 1871. Multatuli est mort en 1887 et ses oeuvres sont maintenant dans le domaine public, ce qui était rappelé dans le contenu publié sur chaque site.

L'association s'est ensuite fait passer pour un ayant-droit sur ces oeuvres. Un "représentant légal" d'une société bidon E.D. Dekkers a envoyé une "plainte" aux 10 ISP en exigeant le retrait immédiat du contenu enfreignant leur copyright. La plainte a été envoyée depuis un compte Hotmail et citait les provisions de notification et de retrait de contenu de la directive européenne.

Sept des dix ISP (Tiscali, Wanadoo, Demon Internet & Planet Internet; Yourhosting, iFast et Active24) ont retiré le contenu sans inspecter le site ni montrer la moindre connaissance du droit de la propriété intellectuelle. Dans trois cas, le contenu a été retiré dans les 24 heures, un délai insuffisant pour questionner la validité de la plainte. Le pire de tous a été iFast, qui a transmis les coordonnées de son client au plaigant alors qu'une telle demande n'avait même pas été formulée. Seuls XS4ALL, UPC et Freeler ont laissé le contenu en ligne.

Bits of Freedom a ainsi constaté que sur les dix fournisseurs, seul UPC a mis en doute l'origine de la plainte, et seul XS4ALL a montré qu'ils avaient inspecté le contenu et avaient noté que son auteur était mort en 1887, soit il y a 117 ans.

Bits of Freedom avait laissé les fournisseurs décider par eux-mêmes s'ils devaient laisser le contenu en ligne ou non. Dans la réalité, un client contesterait certainement la validité de la plainte. Cependant la conclusion de l'association est que ce test montre une volonté inquiétante des fournisseurs à se conformer aux exigences d'une plainte sans se poser de question. Elle conclue qu'il suffit d'un compte Hotmail pour faire fermer un site web et que la liberté d'expression n'a aucune chance face à la justice privée à la texane".

Il serait intéressant de faire la même chose en France.

Vous aviez dit confiance ? Maintenant vous comprenez pourquoi j'ai toujours écrit LEN et pas LCEN...